« La vie sur Terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes. L’humanité ne le peut pas »
Le projet de résumé du rapport à l’intention des décideurs du GIEC vient d’être révélé par l’AFP. Il est extrêmement inquiétant, plus encore que le précédent en 2014. Ce n’est qu’un pré-rapport, « un document de travail » qui sera minimisé dans le communiqué du GIEC. Effectivement, le sixième rapport officiel est prévu pour février 2022, et il sera vraisemblablement « lissé » au cours d’âpres négociations entre les 195 États membres pour aboutir à un consensus. « Il semble probable que celles et ceux qui ont fait fuiter le document l’ont fait pour que soit diffusé le texte original, avant que les représentants des États n’aient imposé l’adoucissement ou l’élimination des formules les plus alarmantes. Cette hypothèse est fort probable, car le lobby capitaliste des fossiles s’acharne depuis des décennies à nier ou à minimiser le danger et dispose de relais politiques puissants […]. La fuite constitue donc un double signal d’alarme : sur la gravité extrême de la situation objective, d’une part, et sur le danger que la version finale dissimule en partie cette gravité extrême à l’opinion mondiale, d’autre part » écrit notre camarade Daniel Tanuro.
Que dit le rapport ?
« Même à 1,5 °C, les conditions de vie vont changer au-delà de la capacité de certains organismes à s’adapter » : dit autrement, limiter à 1,5 °C l’augmentation de la température moyenne de la Terre n’est pas une option, mais un impératif. Le problème est que, selon l’Organisation météorologique mondiale, la hausse de température moyenne par rapport à l’ère préindustrielle est déjà de 1,1 °C et qu’au rythme actuel des émissions, la probabilité que le seuil de 1,5 °C sur une année soit dépassé dès 2025 est de 40 %.
Désormais, le GIEC estime que dépasser + 1,5 °C pourrait déjà entraîner « progressivement, des conséquences graves, pendant des siècles, et parfois irréversibles ». En effet, le climat a d’ores et déjà changé, les effets sont déjà graves et seront de plus en plus violents, même si les émissions de CO2 sont freinées. C’est, à l’échelle d’une génération humaine, « quand les enfants nés en 2021 auront 30 ans », que la vie sur Terre, telle que nous la connaissons, sera inéluctablement transformée par le dérèglement climatique, que s’aggraveront pénurie d’eau, exode, malnutrition, extinction rapide d’espèces...
Il faut agir maintenant et radicalement
Le demi-degré qui sépare 1,5 °C de 2 °C ferait que 420 millions de personnes de plus subiront des « canicules extrêmes » et jusqu’à 80 millions de personnes supplémentaires seront menacées par la faim d’ici 2050. Le rapport confirme aussi la menace de points de bascule, c’est-à-dire des éléments clés dont la modification substantielle pourrait entraîner un changement violent et irrémédiable, en particulier la fonte des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique de l’Ouest (libérant assez d’eau pour provoquer une hausse du niveau de la mer de 13 mètres) ou l’Amazonie transformée en savane. Il pointe les effets en cascade qui concernent presque toutes les zones côtières menacées par plusieurs catastrophes météorologiques simultanées (canicules, sécheresses, cyclones, incendies, inondations, maladies transportées par les moustiques…).
La conclusion s’impose : on ne peut ni attendre ni se contenter de demi-mesures. Il faut agir maintenant et radicalement, dans la justice sociale et la justice Nord-Sud, sans nucléaire, sans les technologies d’apprenti-sorcier et en protégeant la biodiversité.
« Nous devons redéfinir notre mode de vie et de consommation » dit le rapport. Chiche ! Produire, consommer et transporter moins, partager plus et prendre soin, et pour cela rompre avec le système capitaliste, son productivisme extractiviste et sa croissance… pour inventer un avenir désirable écosocialiste.