Publié le Lundi 21 décembre 2009 à 16h21.

Crise : le spectre de la dépression....

Derrière le phénomène de la spéculation, la crise économique actuelle est une crise de surproduction.

La ministre de l’Économie, Christine Lagarde, a annoncéque «notre économie a pris le tournant de la reprise». Si le produit intérieur brut (PIB) est bien en croissance de 0,3% au troisième trimestre, il ne reflète pas la réalité. Pour les salariés, c’est l’aggravation de la précarité, le chômage partiel et les licenciements qui marquent la période. Les mensonges des gouvernements et des patrons ne parviennent plus à masquer les dégâts du capitalisme. Dans un récent sondage, organisé par la BBC, interrogeant les ressortissants des 27 pays de l'Union européenne sur le capitalisme, seulement 11% des personnes interrogées jugent que le capitalisme fonctionne de manière satisfaisante et, dans 21 pays sur 27, une majorité affirme avoir perdu confiance en lui. La France se révèle la plus critique avec 43 % des interrogés considérant qu’il faut remplacer le capitalisme par un autre système économique.

La cause de la crise actuelle n’est pas la spéculation mais bien la logique du capitalisme1. Pour faire plus de profits, les capitalistes doivent, d’une part, augmenter la plus-value produite par les travailleurs, c’est-à-dire produire plus sans augmenter la masse salariale et, d’autre part, réaliser cette plus-value en trouvant des acheteurs pour leurs marchandises. Mais comment peut-on produire et vendre plus sans augmenter les salaires?

Depuis les années 1980, les capitalistes pensaient avoir trouvé une solution: le crédit à la consommation. Plus d’un ménage sur trois en France est devenu client de Cetelem, Cofidis, Cofinoga, Finaref ou Sofinco. En 30 ans, le taux moyen d’endettement des ménages est passé de 25% à 75% du revenu. Cela a semblé marcher, le chômage atteignant, début 2008, son point le plus bas depuis l’apparition de la première crise, il y a 25 ans.

La crise actuelle s’est déclenchée àl’endroit oùla surchauffe était la plus intense, le marchéde l’immobilier aux États-Unis. C’est une crise classique de surproduction qui va s’étendre et devenir la plus grande crise générale du marché mondial depuis celle de 1929. Mais, cette fois, les gouvernements ont réagi immédiatementet massivement. Vu le rôle de l’endettement, il ont d’abord et avant tout cherché à sauver les banques car, pour eux, si elles s’effondrent, c’est tout le système qui s’arrête.

Surproduction et endettement

Mais la crise de surproduction se répandet, début 2009, pour la première fois depuis 1945, la consommation mondiale d’énergie, la production automobile, le transport routier et maritime, les prix des produits de consommation commencent à baisser simultanément. Pour casser cette spirale, les gouvernements vont intervenir beaucoup plus largement .

Fin 2008, les intérimaires et les CDD sont congédiés. En France, ceux qui sont contraints au chômage partiel sont indemnisés par l’État. Ceci évite un nouvel effondrement de la consommation et dissimule temporairement aux travailleurs la gravité de la situation. L’indemnisation de 63 millions d’heures de chômage partiel a déjà coûté 250 millions d’euros. En parallèle, les plans de prime à la casse ont connu un immense succès. En France, la prime de 1000 euros a déjà concerné plus de 500 000 véhicules et relance une industrie automobile pourtant en surproduction latente.

Sous le choc de la double crise de surproduction de marchandises et de suraccumulation de capital sous forme de dettes des entreprises et des consommateurs, les États dépensent l’argent qu’ils n’ont pas. Ils s’endettent massivement pour financer la relance. En Chine, les nouveaux prêts bancaires ont représenté 1500 milliards de dollars, soit 30% du PIB. Ils ont profité à l’industrie chinoise dont le taux de croissance est passé de 5,7% fin 2008 à 16% en octobre 2009.

Pour restaurer leurs profits, les capitalistes, en Europe et aux États-Unis, réduisent maintenant les effectifs pour s’ajuster aux 30% de surcapacitéactuelle et s’acharnent à faire travailler plus ceux qui ont encore un emploi. Ceci risque d’aboutir à une profonde dépression car, malgré les déclarations volontaristes des banques et du gouvernement français, le crédit à la consommation et le crédit aux entreprises reculent de 113 milliards d’euros cette année, soit une baisse de 24%. Au risque ultime de la faillite, seuls les États peuvent encore s’endetter pour soutenir la consommation et permettre aux capitalistes de restaurer leurs profits. L’argent qui manque toujours pour les services publics est alors miraculeusement disponible pour les banques et les industriels. Cela prouve qu’il s’agit bien de choix et de décisions politiques et économiques au service de la seule logique capitaliste. Les enjeux actuels sont pour les capitalistes et leurs gouvernements de conjurer le spectre de la dépression en faisant payer à tous le prix fort. Pour nous, il s'agit, au contraire, de sortir du capitalisme.

Hugo Harari-Kermadec et Frédéric Gudéa (Groupe de travail économique du NPA)

1. Lire àce sujet, Karl Marx, Les Crises du Capitalisme. Préface de Daniel Bensaïd, Demopolis.