Publié le Jeudi 30 mai 2013 à 14h50.

Évasion fiscale : le sommet européen fait pschitt

En septembre 2009, Sarkozy déclarait : « Les paradis fiscaux, le secret bancaire. C’est terminé ». À l’issue du sommet européen du 22 mai, Hollande nous a refait le coup de Sarkozy : " ceux qui pensaient échapper à l'impôt en se réfugiant dans des paradis fiscaux doivent comprendre que le temps de l'impunité est terrminé"Les évadés fiscaux ont-ils de quoi trembler ? Pas vraiment. Le sommet européen n’a débouché que sur une déclaration1 qui reporte d’éventuelles prochaines décisions au mois de décembre ! En attendant, place à la communication…

Directive vidée de son contenu

L’ampleur de l’évasion fiscale est gigantesque : environ 60 milliards par an de manque à gagner pour l’État français. Il existe actuellement une directive européenne sur les revenus de l’épargne, adoptée en 2003, qui prévoit l’échange automatique (sauf pour le Luxembourg et l’Autriche où l’échange se fait à la « demande ») d’informations entre pays de l’UE. Un accord a également été trouvé en ce sens avec certains paradis fiscaux comme la Suisse, Andorre, le Lichtenstein, Monaco et Saint-Marin. Ainsi, si une banque étrangère verse des intérêts à un Français, elle est tenue d’en informer l’administration fiscale française.Il y a néanmoins plusieurs gros problèmes qui vident la directive de son sens. Cette directive ne concerne que les revenus versés à des particuliers… qui peuvent facilement y échapper, en détenant des objets juridiques auxquels sont versés les intérêts… Dans ce cas, c’en est fini de l’échange automatique d’informations. De plus, certains revenus, notamment issus des « produits financiers innovants », sont exclus du champ de la directive.

Blocages internes

En 2008, la Commission européenne a proposé aux États de réviser la directive sur l'épargne pour corriger certains de ces problèmes. Mais depuis, l’Autriche et le Luxembourg bloquent toute évolution (qui exige l’unanimité) et réclament notamment que des accords du même type soient passés d’ici là avec les paradis fiscaux hors UE. Rien n’indique donc que tous les obstacles à la libre circulation des informations seront levés d’ici décembre… Et même si c’était le cas, l’échange automatique d’informations au niveau mondial, sur laquelle est censée plancher l’OCDE, n’est pas prêt d’aboutir. La coopération fiscale avance moins vite que la coopération policière !Par ailleurs, aucune mesure n’a été prise contre le dumping fiscal. La concurrence fiscale est consubstantielle à l’Union européenne. La troïka, qui a imposé ses quatre volontés à Chypre, se satisfait totalement d’un taux d’imposition des bénéfices à 12,5 % (le même qu’en Irlande) car cela permet de tirer les taux d’imposition réels des entreprises vers le bas. Les niches fiscales pullulent en Europe, ce qui permet aux multinationales de pratiquer « l’optimisation fiscale » grâce à une armée de fiscalistes à leur service. 

Fiscalité des puissantsLa baisse de l’imposition réelle des capitalistes (via une baisse des taux, la multiplication des niches, ou l’évasion fiscale) est une tendance lourde depuis les années 1980. C’est une réponse à la crise de rentabilité du capital qui a éclaté dans les années 1970 et de laquelle les grandes puissances capitalistes ne sont jamais réellement sorties. Cela permet de comprendre que, malgré leurs gesticulations, les gouvernements bourgeois de « droite » ou de « gauche » ne prendront aucune mesure sérieuse pour alourdir la charge fiscale sur les capitalistes. Seule une mobilisation très importante des travailleurs pourrait les y contraindre, ce qui accentuerait la crise de leur système, qui pourrait trouver une issue dans la réorganisation de l’économie sur la base de la planification démocratique et de l'appropriation collective des moyens de production. C'est en tout cas la perspective pour laquelle nous nous battons.

Gaston Lefranc1. http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/ec/137218.pdf