La prolifération des faillites est caractéristique de la crise du capitalisme. Comment comprendre cet extraordinaire gâchis ?On ferme. Tout le monde dehors ! Ces derniers mois, la vie de centaines de milliers de personnes a été brisée par les défaillances d’entreprises. Incapables de payer les salaires, les fournisseurs ou les banques, des entreprises entrent en redressement judiciaire et, dans trois quarts des cas, terminent par la faillite et la liquidation. Pour comprendre ce phénomène, la théorie de Marx de la valeur se révèle incontournable. Le travail humain est la seule source de création de valeur. Pour les capitalistes, la force de travail se présente comme une marchandise. Pour extraire la plus-value (Pl), le travail vivant doit se matérialiser dans des marchandises. Le capital variable (V) désigne sa valeur mise en jeu dans la production, c’est-à-dire les salaires. Le capital constant (C) est la valeur des moyens de production et des matières premières utilisées. Le taux de profit (Tp) se calcule en divisant la plus-value par le capital employé égal à la somme du capital variable et du capital constant. Tp = Pl / V+CLa plus-value est réinjectée dans la circulation des marchandises pour un nouvel accroissement de la plus-value et des profits. Mais la crise correspond à un blocage de la circulation du capital : le blocage conduit à la diminution du capital variable, à la baisse des salaires et à la diminution de la masse de travail employée. Le processus de travail se ralentit, ou s’arrête totalement par endroits, du capital est réellement détruit. Les salariés sont jetés dehors. Les machines qui ne sont pas utilisées ne sont pas du capital. Les matières premières qui gisent non utilisées ne sont pas du capital. Les marchandises qui pourrissent dans les magasins, tout cela c’est de la destruction de capital. Leur valeur d’usage et leur valeur d’échange s’effondrent. Certains capitalistes font faillite. La valorisation de ces sociétés, la valeur d’échange de leur capital est réduite ou définitivement détruite.1 La formule du taux de profit explique que les faillites, parce qu’elles suppriment des emplois (du capital variable) et dévalorisent des machines (du capital constant), contribuent à faire remonter le taux de profit. Elles facilitent aussi les acquisitions d’entreprises à bon marché. Une entreprise réalise 3 millions d’euros de profits pour un capital investi de 100 millions d’euros, soit un taux de profit de 3 %. Si, du fait de la crise, de nouveaux propriétaires l’achètent pour 10 millions d’euros au lieu de 100, leur taux de profit est alors de 30 %. La destruction de capital lors de la Grande Dépression des années 1930 et la Deuxième Guerre mondiale a ainsi rendu possibles les « Trente glorieuses ». La destruction massive du capitalL’Observatoire des défaillances d’entreprises nous renseigne sur les chiffres clés région par région2. Interprétés à la lumière des découvertes de Marx, ils donnent la mesure de la destruction du capital en France à un rythme annuel supérieur à 10 milliards d’euros. La défaillance de cinq entreprises concerne 3 300 salariés : Vigimark Sécurité (1 500 salariés), A&O Systems (800), Leduc (400), Auvergne Aéronautique (350) et France Europe Sécurité (250) et au total, ce sont 22 754 emplois menacés ou détruits en mars 2010. La hausse atteint 13 % par an. Sur douze mois, le cumul atteint 222 000 emplois, soit 24 % de plus que l’an passé ! La progression est effrayante : en juillet 2007, 100 000 emplois étaient déjà menacés ou détruits par les défaillances d’entreprises et la barre des 200 000 est franchie depuis juillet 2009. La diminution violente du capital variable dépasse 6 milliards d’euros en valeur annuelle. Sur douze mois, l’encours fournisseurs de matières premières et de moyens de production des défaillances a passé la barre des 4 milliards d’euros. L’État est aujourd’hui le deuxième créancier des entreprises défaillantes, l’ensemble des dettes fiscales et sociales culmine à 2 milliards d’euros, légèrement plus qu’avec les banques. La diminution du capital constant représente une part du bilan total des entreprises défaillantes de 13 milliards d’euros en valeur annuelle. Injuste et violent, le capitalisme est aussi inefficace car il conduit à la destruction du capital. Un nombre sans cesse croissant de gens commencent à chercher une explication à ce qui se passe et une autre voie. Les militants anticapitalistes peuvent aller à leur rencontre et fournir l’explication marxiste des crises du capitalisme. La crise peut entrer dans une phase de dépression où les faillites des États, des entreprises et des particuliers risquent d’exploser3. Parce que les politiques de droite comme de gauche fondées sur l’économie bourgeoise montrent leurs limites, les découvertes et la méthode de Marx reviennent à l’ordre du jour pour sortir du capitalisme. Frédéric Gudéa1. Les crises du capitalisme, Karl Marx, Demopolis 2009. Préface de Daniel Bensaïd.2. À lire et télécharger gratuitement sur www.coface.fr3. Lire article dans Tout est à nous ! n°35