Au moment où les affirmations gouvernementales en matière de chômage et de croissance sont chaque mois mises en doute par la réalité des chiffres, un projet de loi sur l’économie sociale et solidaire (ESS) va tenter de redorer l’image du pouvoir.Le secteur visé dit de l’économie sociale et solidaire couvre environ 10 % de l’activité en France, tant du point de vue du nombre de salariéEs (2,4 millions) que du point de vue du produit intérieur brut, et regroupe des types d’activités très différentes. On trouve pêle-mêle l’action sociale, l’offre de soins, les sports et loisirs, l’éducation et la formation, les banques et assurances, l’agriculture, l’industrie, la construction, le logement social, la distribution, l’artisanat... Censées être « différentes » soit dans le fonctionnement soit dans les objectifs non lucratifs, les entreprises ou associations concernées ont des histoires et des profils divers et souvent peu différents des secteurs classiques. La loi sur l’ESS est censée encadrer ces fonctionnements et ces objectifs tout en donnant accès à des moyens financiers importants (500 millions via la Banque publique d’investissement). Mais l’espoir résidait dans la possibilité, donnée aux salariéEs, de reprise d’une entreprise abandonnée ou vendue au plus offrant par des patrons ou des groupes préférant gagner plus avec d’autres choix financiers.
Une loi de gauche « Canada Dry »Le projet de loi oblige seulement l’employeur des entreprises de plus de 250 salariés à informer ceux-ci deux mois avant la vente effective. Mais il restera libre de céder au prix qu’il souhaite et au candidat de son choix, le plus intéressant pour lui.Même si c’est encore trop pour Gattaz et le Medef qui dénoncent une loi qui « nuit à la liberté et à la motivation des entrepreneurs », on est très loin des promesses de Hollande ou de Montebourg sur l’obligation de céder les entreprises à celles et ceux qui souhaitent poursuivre l’activité en cas de désengagement du patron. On est loin du respect, de la prise en compte du combat, des exigences des salariéEs en lutte depuis des mois voire des années chez de Fralib, Pilpa, ou M-real. Les voies ouvertes par les Scop sont loin d’être toujours simples (1), mais même cette petite possibilité d’intrusion dans le pouvoir patronal est encore trop audacieuse pour ce gouvernement.
Robert Pelletier1- Voir articles dans Tout est à nous ! hebdomadaire n°138 et la revue mensuelle n°41 et 42.