Une centaine d’économistes européens ont lancé vendredi 5 février un appel à annuler la part des dettes publiques européennes détenue par la Banque centrale européenne (BCE). En effet, la BCE détient environ 25 % des titres des dettes publiques des États de l’UE. Elle a racheté ces titres dans le cadre de sa politique de soutien aux banques et aux États menée depuis la crise de 2008-2009.
Ces économistes, de positions très diverses, soulignent l’absurdité d’une situation qui aboutit à ce que les États européens sont en quelque sorte endettés vis-à-vis d’eux-mêmes. Néanmoins, cette dette pèse sur leurs finances publiques au détriment d’autres dépenses. Ces économistes soutiennent que la BCE pourrait, soit annuler cette dette, soit la transformer en dette perpétuelle à taux zéro (ce qui reviendrait économiquement au même).
C’est non, a immédiatement répondu Christine Lagarde. C’est une « idée idiote » a jeté un ancien économiste en chef du FMI. Une démonstration de plus qu’une idée, même tout à fait argumentée et qui ne remet pas en cause les rouages essentiels du capitalisme, peut être rejetée sans appel. La taxe sur les transactions financières, défendue pendant des années par ATTAC et toute une palette d’économistes internationaux, a connu pour l’essentiel le même destin.
Au-delà des arguments techniques, ce fétichisme de la dette a une explication simple : la dette publique est une référence utile aux gouvernements pour préparer les populations à des mesures d’austérité. Bruno Le Maire n’arrête pas de rabâcher que la dette devra être remboursée et Castex a installé en décembre 2020 une Commission pour l’avenir des finances publiques pour renforcer cette argumentation.
La proposition du texte des économistes est pourtant fort modérée et elle s’accompagne de formules illusoires comme l’appel à « un contrat entre les États européens et la BCE » pour que « le États s’engagent à investir les mêmes montants dans la reconstruction écologique et sociale. » Comment croire qu’un tel contrat serait possible ? Pour quelle reconstruction ? Par des acteurs qui jusqu’à présent ont été plutôt des destructeurs ?
Des économistes radicaux ont signé ce texte, comme ceux qui appartiennent au CADTM (Comité pour l’abolition des dettes illégitimes). Ils précisent ainsi leur position : « Les membres du CADTM qui ont signé ce texte considèrent qu’il faut aller plus loin notamment en imposant aux grandes fortunes et aux grandes entreprises une importante taxe covid. Le CADTM considère qu’il faut accompagner l’annulation des dettes publiques d’une série de mesures anticapitalistes. ». C’est une évidence sous peine de faire d’une annulation, très partielle, une mesure sans guère de conséquences positives pour la plus grande partie de la population.