Publié le Vendredi 9 mai 2025 à 18h00.

École privée : l’équité et la nationalisation

Le tribunal administratif de Lille vient d’annuler, sur le fond, la suspension du contrat d’association du lycée Averroès à Lille. Le ministère va faire appel de ce jugement. Retour sur le traitement islamophobe dont est victime Averroès.

Lécole privée est principalement régie, dans son rapport à l’État, par la loi Debré de 1959. Cette loi instaure la prise en charge des frais de fonctionnement, notamment le salaire des enseignantEs, en échange du respect des programmes. L’école privée sous contrat représente un peu plus de 97 % du privé et scolarise entre 17 % et 18 % des élèves en France. Elle est gérée à plus de 95 % par l’enseignement catholique. Sur les 7 500 établissements, seuls 11 sont musulmans.

« L’affaire » Averroès ?

Le lycée Averroès avait quelques particularités. Alors que le privé scolarise 3 fois moins d’élèves boursierEs que le public (11 % contre 29 %), cet établissement en comporte près de 60 % tout en obtenant un taux de réussite au bac de 100 % en 2022 : une gageure quand on connaît le poids des déterminismes sociaux dans l’échec scolaire. Ce qui donne à cet établissement une identité très différente des autres établissements privés qui sont, eux, des acteurs profonds de la ségrégation scolaire et de l’entre-soi social.

C’est lors d’un contrôle que des manquements réels ont été constatés concernant un ouvrage utilisé lors des cours d’éthique (enseignement religieux non obligatoire). Ce recueil de texte religieux légitimait la ségrégation des sexes ou la peine de mort pour apostasie. 

Un deux poids deux mesures révélateur d’une islamophobie d’État

Malgré une mixité sociale et des résultats aux examens exemplaires, Averroès a subi 19 contrôles entre 2017 et 2023. Un contrôle ciblé et disproportionné en comparaison des contrôles en général. Sur l’ensemble du territoire, ce sont ainsi seulement 5 établissements privés qui ont été contrôlés en 2023.

À titre d’exemple, Bétharram n’a fait l’objet que d’un maigre contrôle en 1996, alors que toute la région était au courant de ce qui se passait dans cet établissement. Et Stanislas, où nombre de faits étaient connus, une seule fois en 2023. 

Quant à la sanction de décontractualisation, c’est seulement la deuxième fois depuis 1959 qu’elle est prononcée. Là encore, malgré des infractions documentées et bien plus importantes en nombre, comme l’atteinte à la liberté de conscience par l’obligation de l’enseignement religieux normalement facultatif ou le non-respect des programmes, Stanislas n’a pas vu son contrat rompu ni même ses financements suspendus. Une telle différence est révélatrice d’un traitement spécifique, par les services de l’État, d’Averroès en raison de son identité musulmane. 

Pour l’équité et la disparition du privé

Le gouvernement tente, une fois encore, d’instrumentaliser la laïcité pour masquer ses propres failles et ne pas parler des questions de l’école privée de façon large et politique. Les militantes et militants de l’école publique et laïque ne doivent pas se laisser berner : la finalité de cette « affaire » n’est pas de protéger la jeunesse d’un prétendu islamisme mais une attaque qui sert un agenda politique à la fois protecteur de l’enseignement privé, un enseignement de classe, et ­islamophobe. 

Nous ne pouvons que nous réjouir d’une décision qui va dans le sens de l’équité. Et continuer, car c’est là le vrai enjeu, à réclamer la nationalisation de toutes les écoles privées.

Commission éducation nationale