Entretien. Deux mois après l’attaque fasciste à Montpellier, le mouvement étudiant est à nouveau dans une phase de recul. Nous revenons sur ces deux derniers mois avec Arthur, militant à Paris 1 Panthéon-Sorbonne et membre de la direction du NPA Jeunes.
Dans un certain nombre de facs, le mouvement contre la sélection est particulièrement à la peine. Quels sont tes premiers bilans, en tant que militant, après deux mois de mouvement ?
La première chose que je retiens, c’est que nous étions face à des potentialités importantes : il y avait, ce printemps, la possibilité d’un mouvement de masse dans la jeunesse. Cela s’est vu avec des assemblées générales qui ont pu être plus importantes que durant le CPE : 2 500 à Montpellier, 3 500 à Rennes 2, 2 000 au Mirail… et tous les jours, alors que les partiels sont annulés, on voit qu’une majorité d’étudiantEs sont contre la loi. Quand 900 personnes votent l’annulation d’un partiel parce que la fac est entourée par la police, il y a une politisation de masse. La deuxième chose intéressante, c’est la forme qu’a prise ce mouvement, à savoir celle des occupations. Cela reflète une volonté, très progressiste à mon sens, de vouloir défendre sa fac au moment où elle est attaquée, en entamant une subversion de celle-ci par l’occupation.
Pourquoi le mouvement est-il au point mort aujourd’hui ?
Le mouvement est loin d’être fini. Tout d’abord, il y a les résultats de Parcoursup’ qui sont tombés le 22 mai, cela va peut-être faire réagir les lycéenEs. Par ailleurs, avec la situation chez les cheminotEs, tout peut basculer très vite pour nous s’il y a une accélération de la grève du rail.
Mais je pense qu’il faut voir que malgré les grandes potentialités du mouvement, celui-ci est allé dans le mur à cause d’une absence de direction. Après la loi travail, l’UNEF, qui était traditionnellement la grande force dans le mouvement étudiant, est quasiment inexistante et ne pèse plus dans la situation politique. Face à cette absence, il y a une crise de direction du mouvement étudiant, au sens où aucune force politique n’a les moyens ou ne veut assumer cette direction. Ainsi, les autonomes et La France insoumise, très présents dans la jeunesse, ne cherchent pas à être cette direction à l’échelle nationale. Pour les premiers, il y a un repli sur le local, et sur des occupations transformées en « lieux de vie », qui est allé contre toute tentative de coordination nationale, et contre toute politique visant à élargir la mobilisation à d’autres secteurs du mouvement étudiant. La France insoumise, elle, laisse le mouvement étudiant sans lui proposer une politique. Leurs tentatives de récupération, autour du 5 mai notamment, se fait en extériorité du mouvement, en appelant les étudiantEs à manifester en tant que « citoyens ».
Quel est le rôle du NPA-Jeunes dans cette situation ?
Pendant tout le mouvement, nous avons tenté de proposer une politique à même de gagner, avec l’importance notamment d’une coordination nationale auto-organisée qui puisse diriger le mouvement. Aujourd’hui les autonomes cherchent à détruire une des plus importantes traditions du mouvement étudiant, l’auto-organisation, c’est-à-dire l’idée que les assemblées générales doivent être les lieux où se décident l’avenir du mouvement. Nous devons défendre cette tradition coûte que coûte : c’est par des coordinations nationales que nous avions gagné en 1986 contre Devaquet et en 2006 contre le CPE.
Par ailleurs, il s’agit, en tant que révolutionnaires, de lutter contre la politique néfaste des autonomes, de la logique de la « ZAD universitaire » à celle des black blocs, qui tendent à se couper des masses étudiantes. Il y a derrière la logique de la fac occupée comme « lieu de vie » une forme de défaitisme, comme si on ne pouvait plus gagner à l’échelle nationale, et que les seules formes de résistance ne pouvaient être que locales. L’idée que nous pouvons gagner contre Macron à l’échelle nationale, et la nécessité d’un parti révolutionnaire pour le faire : voilà les combats que nous devons mener.
Propos recueillis par la rédaction