Les « Stylos rouges » sont nés sur les réseaux sociaux le 12 décembre, suite au discours de Macron qui avait « zappé » les enseignantEs dans la longue litanie de toutes celles et ceux qu’il prétendait comprendre.
C’est la goutte d’eau qui a fait déborder la barrique pleine à ras bord de bon nombre d’enseignantEs : le sentiment de dénigrement et de mépris de plus en plus profondément ressenti depuis l’arrivée de Macron a été intensément ravivé. Cela avait bien raclé à l’annonce du rétablissement du jour de carence, mais on ne peut pas dire que la résistance ait été organisée contre la réforme du Bac général et technologique et Parcoursup ou la réforme des programmes en élémentaire, et elle est resté partielle contre la réforme de la voie professionnelle.
Il faut dire que Macron et Blanquer ont bénéficié de la collaboration active des principaux syndicats, le SGEN CFDT et le SE-UNSA, toujours réactifs pour accompagner les contre-réformes. Et pendant ce temps, la FSU réclamait davantage d’écoute et de meilleures négociations, sans chercher à mobiliser pour bloquer. Après le vote du PPCR, le nouveau dispositif d’évolution des rémunérations, cela commence à accumuler les mécontentements des salariéEs de l’éducation contre les stratégies des fédérations syndicales.
Discussions nouvelles et positives
Le surgissement de la mobilisation des Gilets jaunes, observée de très loin, et non sans scepticisme, depuis les salles des profs, a fini par percuter lorsque cette mobilisation a ébranlé le gouvernement qui se voulait inflexible. En quelques semaines, les « Stylos rouges » ont rassemblé, sur Facebook, plus de 50 000 enseignantEs autour d’une plateforme revendicative. Contrairement au hashtag « Pasdevague » en novembre dernier, qui ciblait essentiellement les « méchants élèves » et la hiérarchie incapable de restaurer « l’autorité des enseignantEs », les Stylos rouges déclinent à la fois des revendications sur les salaires et les conditions de travail, mais aussi de défense d’un service public de l’éducation pour les élèves.
Et elles ne se cantonnent pas à des revendications défensives : l’augmentation des salaires (non chiffrée) et le refus des heures supplémentaires sont le noyau dur des discussions, mais également l’amélioration des conditions de travail et d’étude par la baisse du nombre d’élèves par classe. Ce caractère offensif s’inscrit dans le vent d’air frais insufflé par les Gilets jaunes, et constitue pour de nombreux Stylos rouges une différenciation par rapport aux positionnements au mieux « défensifs » des organisations syndicales. De ce point de vue, ce mouvement ouvre des discussions nouvelles et positives.
Questions de stratégie
Par contre, il se confronte d’ores et déjà à la question de la stratégie pour obtenir satisfaction. Le bilan tiré par les Stylos rouges, qu’ils et elles soient ou non syndiquéEs, est celui de l’échec des tentatives de mobilisation. Il faut dire que, depuis 2000 et la victoire sur le statut des PLP précédant la démission imposée d’Allègre, la majorité des enseignantEs n’a connu que des défaites. La grève ne leur apparaît donc plus comme un outil. Et c’est la chasse aux « nouvelles modalités de mobilisation » qui, pour le moment, débouche sur des propositions éculées : rétention des notes, grève des examens… tout ce qui parait radical et évite la grève. Or ce n’est pas en juin qu’il sera possible d’imposer le retrait des réformes, l’augmentation des salaires et la diminution du nombre d’élèves par classe. C’est dans les semaines qui viennent alors que les mobilisations des Gilets jaunes continuent de déstabiliser le gouvernement, que les salariéEs du privé entrent en période de négociations des salaires, que la grogne couve dans la santé et d’autres secteurs publics, qu’il s’agit de passer à l’offensive en s’inscrivant comme une des composantes d’un mouvement d’ensemble contre la politique du patronat et du gouvernement. Le travail des Stylos rouges peut être utile s’il mobilise les énergies autour des revendications et alimente les débats sur les formes de lutte et d’organisation pour gagner.
Cathy Billard