Publié le Jeudi 26 novembre 2015 à 22h13.

Sur les attentats et l’état d’urgence dans l’éducation nationale

Suite aux tueries abjectes de Paris, l'accélération de la guerre, l'état d'urgence, l'union nationale et les réponses racistes et islamophobes marquent la situation politique, en particuliers dans les écoles, collèges et lycée. En tant qu'enseignants, nous essayons de donner des pistes contre la guerre, l'état d'urgence, contre le racisme et pour la solidarité internationaliste contre les tueurs de l’Etat islamique Daesh, ces ennemis de tout-e-s les exploitées et de tout-e-s les opprimé-e-s, qui sont les premières victimes de leur politique ultra-réactionnaire.

Le choc des attentats et la minute de silence

La vague d'émotion, notamment dans la jeunesse, était radicalement différente de celle d'après les attentats de janvier. Sans injonction à « être ou ne pas être charlie », la parole a été libérée d'une chape de plomb qui empêchait un débat serein et constructif. De ce point de vue, nous nous associons à l'expression de nombreux jeunes et lycéens, qui se sont rassemblés ou qui ont manifesté suite aux attentats. Dans ces actions ainsi que dans les prises de parole autour de la minute de silence, la jeunesse a voulu témoigner sa révolte face à cette violence aveugle, le rejet des amalgames racistes et aussi leur refus de vivre dans un monde de guerre, de chaos. 

Cependant la dimension répressive et autoritaire est restée présente. La minute de silence a été présentée comme obligatoire et les recteur/rices ont demandé le signalement des élèves ayant un comportement contraire au recueillement.

Au delà des différents positionnements sur la minute de silence, nous sommes surpris par la contradiction entre la liberté d'expression et l'injonction de recueillement pour les victimes de Paris et St Denis. D'un point de vue pédagogique, la discussion, la confrontation à plusieurs interprétations d'une situation complexe est fondamentale : il n'y a pas de réponse apolitique aux questions « qui a déclaré la guerre », « pourquoi la guerre/les attentats », « à cause de qui/quoi », « pourquoi une minute de silence pour les Français mais jamais pour les autres victimes »… Donc soit on laisse ces questions sans réponse, soit on discute politique en respectant les divergences, comme en « démocratie ».

Il est essentiel pour nous de laisser les élèves en parler entre eux, ou avec leur enseignant. A partir de là, chacun doit pouvoir exprimer librement ce qu'il comprend et ce qu'il pense, dans la mesure du respect des autres : pas de racisme, pas de menaces… De même pour la minute de silence.

Nous sommes convaincu que c'est par la discussion et la prise de conscience de dimension politique de la situation après la attentats que nous pourrons dégager collectivement des pistes d'analyse, de réflexion de l'action. C'est le premier pas pour réfuter l'union nationale et la répression.

Contre l'union nationale, pour une politique internationaliste

Dans le même temps, le gouvernement nous demande de rester uni contre l'ennemi, pour défendre « nos » valeurs et de le soutenir dans sa fuite en avant en Syrie. Mais la guerre, c'est de la politique (« par d'autres moyens »). Il nous paraît indispensable de porter cette voix dissonante l'éducation, de mener les discussions avec nos collègues, contre la guerre, pour la solidarité, notamment avec les Kurdes, et les peuples qui se battent autant contre l'état islamique Daech et sa politique ultra-réactionnaire, mais aussi contre l'impérialisme occidental et ses produits dictatoriaux.

Nous pensons qu'il est indispensable d'ouvrir les frontières à ceux et celles qui arrivent de Syrie et d'Irak pour échapper à Daech et aux bombes françaises. Les reconduites aux frontières doivent immédiatement cesser.

Par ailleurs, en France, les agresseurs racistes et islamophobes n'ont pas fait de trêve. Dans cette période, nous souhaitons convaincre du sérieux danger que pose le « communautarisme » anti-musulman. Dénoncer et lutter énergiquement contre les agressions racistes, ce n'est pas semer la discorde, ni jeter de l'huile sur le feu, c'est au contraire se battre pour le minimum syndical des « valeurs républicaines ».

Contre l'état d'urgence

Les mesures liberticides de l'état d'urgence combinée à l'ambiance de l'union nationale ont déjà des conséquences dans les établissements. Les directions (rectorats, chef d'établissement) utilisent ce prétexte pour interdire des heures d'information syndicales ou pour essayer de réprimer des collègues combatifs. Un peu partout, les interdictions des manifestations bâillonnant le mouvement syndical et associatif. Alors que cela n'empêche pas le ministère de continuer à mettre en oeuvre ses réformes (par exemple en désignant les collègues référents pour la réforme du collège). 

On assiste à deux poids, deux mesures : d'une part, le gouvernement qui continue sa politique de destruction du service public et en particulier de l'éducation nationale. D'autre part, nous sommes dans l'impossibilité légale de nous opposer à ce rouleau compresseur.

C'est pourquoi nous sommes radicalement contre l'Etat d'urgence. Nous voulons pouvoir continuer à manifester notre désaccord face aux politiques d'Hollande, Valls et Vallaud-Belkacem. C'est pourquoi nous serons parti prenantes des manifestations progressistes et nous soutiendrons les appels à la grève, si la situation l'impose, notamment autour de la réforme du collège et des budgets dans les établissements.

L'équipe d'animation du secteur Education Nationale