Publié le Mercredi 9 mars 2016 à 14h53.

9 mars : Plus qu’un début

Initialement prévue comme réponse instantanée à la présentation de l’avant-projet de loi El Khomri devant le conseil des ministres, la journée du 9 mars prend le sens d’une première riposte à un projet particulièrement criminel.

La première, bonne, surprise fut l’impressionnante montée en puissance de la pétition lancée par l’« activiste qui a du mal à se dire de gauche », Caroline de Haas. L’extrême radicalité du texte proposé par la ministre du Travail a engendré une toute aussi extrême colère dans les réseaux militants. Une colère que l’on sentait monter depuis plusieurs mois au travers de multiples luttes, mais surtout des ripostes organisées en soutien à l’inspectrice du travail d’Annecy, aux salariés d’Air France, de Goodyear, dans les mobilisations autour de Notre-Dame-des-Landes, contre l’état d’urgence ou la déchéance de nationalité...

Hésitations syndicales

Du côté des directions syndicales, la mollesse de la réponse a immédiatement été largement critiquée dans les équipes militantes. Certes, pas de surprise chez les CFDT-CFE-CGC-CFTC refusant de se prononcer pour le retrait et préparant leurs reculs.

Mais de son côté, la direction confédérale CGT a commencé par nous repasser le mauvais plat du « syndicalisme rassemblé », entraînant dans son sillage FO, la FSU, et Solidaires. Certes le communiqué de presse du jeudi 3 mars organisait un partage entre syndicats prêts au dialogue et ceux exigeant le retrait, mais la première initiative de mobilisation était repoussée au 31 mars !

L’accélération est venue du côté des organisations de jeunesse mises en colère plus particulièrement par l’aggravation de la précarité et de la libéralisation des possibilités de licenciement qui découleraient du vote du projet de loi El Khomri. Le 10e anniversaire et la mémoire de la victoire de la jeunesse contre le Contrat première embauche (voir dossier dans l’Anticapitaliste n°323) sont venus à point pour donner confiance et envie d’engager la mobilisation.

Une mobilisation qui monte

En retenant la date du 9 mars, les organisations de jeunesse ont ainsi offert aux équipes militantes syndicales la possibilité de se fixer un premier objectif de mobilisation réclamé largement au-delà des responsables syndicaux, « à la base » ou dans échelons intermédiaires. C’est ainsi que dans la foulée se sont multipliés les appels à rassemblements, débrayages, grèves, issus de nombreuses structures, syndicats, union locales, unions départementales, fédérations de la CGT, de Solidaires...

Critiquée, bousculée, la direction de la CGT s’est trouvée contrainte d’appeler à participer aux mobilisations du 9 mars, même après que le gouvernement a annoncé le report de la présentation de la loi au conseil des ministres du mercredi 23 mars. Un report dont il espérait bien qu’il ferait tomber au moins provisoirement la mobilisation. Échec. Deux semaines qu’il espère surtout mettre à profit pour dissuader la CFDT et ses ombres de s’engager plus avant dans la mobilisation, moyennant quelques aménagements, les moins substantiels possible...

Malgré tout, la CGT s’est crue obligée d’appeler à Paris à un rassemblement avec des lieux et heures différents de ceux annoncés par les organisations de jeunesse. Les fantômes de Cohn-Bendit et Krivine hanteraient-ils encore à Montreuil les couloirs de la confédération ?

D’ores et déjà, il est assez largement acquis que pour une majorité de salariéEs, voire de la population, cette loi non seulement ne réglera pas le problème du chômage mais que c’est une attaque terriblement brutale contre les droits des travailleurEs.

Du passif faisons table rase

Et, fait nouveau, dans les assemblées générales étudiantes, dans les discussions non seulement avec les militantEs, les syndiquéEs, les salariéEs dans les entreprises, c’est la question de « comment gagner » qui est posée. Si dans la jeunesse, la mémoire du CPE peut aider, parmi les salariéEs, les retours explicatifs sur 2007, 2010 sont indispensables. Et le retour en mobilisation des cheminotEs, des salariéEs de la RATP, renvoie un petit souffle de 95. Lors de la mobilisation de 2010, la grève dans les raffineries avait momentanément ouvert la possibilité d’un blocage de l’activité économique. La réquisition judiciairement ordonnée par le gouvernement et le peu d’empressement des directions fédérales et confédérales CGT à apporter un soutien total dans cet affrontement en avait signé la défaite.

En tirant tous les bilans, c’est  à cette construction d’un rapport de forces ouvrant la possibilité d’infliger une défaite au gouvernement que nous nous attelons.

Robert Pelletier