Alors que le gouvernement recule sur bien des sujets, il y a un terrain sur lequel Hollande et Ayrault restent droit dans leurs bottes : faire passer dans la loi l’Accord national interprofessionnel Medef-CFDT-CFTC-CGC dit de « sécurisation de l’emploi »… Une semaine de débat à l’Assemblée nationale est prévue, avec une procédure d’urgence. Avant comme après le vote, l’enjeu est bien la capacité du monde du travail à construire une opposition aussi déterminée et présente sur le terrain social que la droite radicalisée l’est par exemple contre l’égalité des droits. Le Medef à l’attaque, avec l'appui du gouvernementL’objectif est l’application dès le mois de juin de cette loi partout où les patrons voudront l’utiliser contre leurs salariéEs. Le 6 mars déjà, Renault annonçait la signature pour tout le groupe d’un accord de compétitivité après plusieurs mois de mobilisation des salariés contre ce projet. La direction de PSA a annoncé fin mars que dès que les syndicats auraient signé le PSE supprimant 11 200 emplois, elle envisageait (si possible dès le mois de mai) de proposer de supprimer à Poissy l’équipe de nuit et d'augmenter d’une heure à une heure et demie par jour le temps de travail, avec l'objectif de réduire de 600 euros le coût de production d’une voiture. Et dans nombre d’entreprises moins médiatisées, les patrons mettent en place le même type d’accords. Le projet gouvernemental vise à alléger encore davantage les obligations des employeurs et à réduire les droits des salariéEs et des syndicats qui voudraient s’opposer aux attaques patronales. Le gouvernement et le PS ne s’embarrassent pas de scrupules pour justifier leur politique. Cette loi permettra « d’éviter les licenciements » a déclaré Sapin, ministre du Travail, en ouverture du débat le 2 avril. Les salariéEs de Continental Clairoix qui avaient subi une expérimentation de ce genre, deux ans avant la fermeture pure et simple, apprécieront. Quant aux différences avec les propositions d’accords de compétitivité et de flexisécurité proposés par Sarkozy, le gouvernement se réfugie derrière les amendements de l’UMP pour faire mine d’y voir des désaccords. Des contradictions paralysantesLes faiblesses de la riposte du monde du travail expriment à la fois un rapport de forces dégradé et les contradictions internes aux organisations syndicales. D’un côté, la troïka CFDT-CFTC-CGC se fait la meilleure défense du projet. De l’autre, les opposants refusent de s’engager dans une opposition résolue. Une contradiction patente chez FO lorsque, malgré les déclarations de la direction contre l’ANI, les délégués centraux du syndicat chez Renault signent les accords qui en sont une déclinaison, ou qu’à PSA, les délégués soutiennent le plan de licenciement de la direction jusque devant les tribunaux. Le tout sans être désavoués par leur direction. Contradiction à la FSU qui appelle à la manifestation du 9 avril, mais n’y met aucune force pour la réussir. Contradiction enfin à la CGT, quand nombre de délégués au congrès confédéral réclamaient que le retrait du projet de loi soit l’objectif revendicatif dans la résolution d’actualité, ce qui a été refusé par la direction. Le fond de ces tergiversations a été clairement formulé par Thierry Le Paon, nouveau secrétaire général de la CGT qui refuse d’être une « opposition » au gouvernement. Il déclarait ainsi le jour de la manifestation que le gouvernement a « une oreille droite bien ouverte aux revendications du Medef, et une oreille gauche un peu bouchée » : la manif avait donc pour objectif de « souffler dedans très fort, de manière à ce qu’il puisse entendre nos revendications »… Une riposte qui reste à construireAprès 6 jours de débats et des manifestations syndicales nettement en recul par rapport à celles du 5 mars, les députés PS ont voté leur loi grâce à l’abstention de la droite et d’une partie de la gauche du PS et des élus EÉLV. Les députés du Front de Gauche et sept députés PS ont voté contre ainsi que les deux du FN. Mais ce vote n’enterre pas la colère, bien au contraire : l’abrogation est à ajouter aux revendications du monde du travail contre ce gouvernement. Des luttes, comme celle contre le CPE, ont réussi à contraindre un gouvernement à abroger une loi qu’il venait de faire voter. Mais pour cela il faut être capable de construire une mobilisation de toute la population qui s’appuie sur la force du monde du travail, sa capacité de paralyser l’économie par la grève. Encore faut-il pour cela se sentir entièrement légitime, en toute indépendance de ce gouvernement qui n’est pas le nôtre. Parce qu’il le vaut bien ! Cathy Billard
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