Publié le Jeudi 22 octobre 2015 à 09h51.

Affaire Tefal : Plus de 1 000 salariés mobilisés pour la relaxe 

Plus d’un millier de travailleurs du public et du privé étaient réunis vendredi 16 octobre après-midi devant le palais de justice d’Annecy à l’appel de l’intersyndicale CGT-SUD-FSU-FO-CNT du ministère du Travail, en soutien à l’inspectrice du travail Laura Pfeiffer et au lanceur d’alerte poursuivis par l’entreprise Tefal.

Pour mémoire, Tefal, mécontent de l’inspectrice du travail qui a mis en cause la légalité de son accord 35h, a tenté d’obtenir sa mise à l’écart en intervenant auprès du responsable de l’unité territoriale du 74…

Magouilles et collusions

Plutôt que de défendre l’indépendance de la fonctionnaire, prévue par la convention 81 de l’organisation internationale du travail, le responsable départemental s’est fait le relais des pressions patronales. Échange de bons procédés : la filiale du groupe Seb accepte un stagiaire recommandé par le directeur du travail. Cette collusion a été révélée par un salarié de l’entreprise, qui a mis la main sur des e-mails démontrant les magouilles entre la DRH, le responsable de l’unité territoriale, la préfecture et les renseignements généraux, et les a transmis à l’inspectrice qui a alerté les syndicats du ministère du Travail.

L’entreprise a opté pour la contre-attaque : traîner le salarié, par ailleurs licencié pour faute lourde, ainsi que l’inspectrice, devant les tribunaux pour violation du secret professionnel et recel. Non content de donner suite à la plainte de l’entreprise dans un temps record, le procureur en charge du dossier a pris ouvertement position pour Tefal en déclarant à l’Humanité qu’il s’agissait d’une occasion de « faire le ménage » à l’inspection du travail...

Le procès-verbal dressé par l’inspectrice pour obstacle à ses fonctions ne connaîtra évidemment pas le même succès. Quant au ministre du Travail (passé ou actuelle), pas un mot pour soutenir son agent ou condamner les pressions de Tefal, pourtant reconnues par le conseil national de l’inspection du travail.

Le procès de Tefal et du ministère du Travail

Le cynisme de l’entreprise, le parti pris ouvertement pro-patronal du procureur et le silence du ministre ont provoqué un tollé au ministère du Travail et dans nombre d’entreprises de la région. Outre les agents de l’inspection du travail, étaient donc présents devant le palais de justice les syndicats CGT et FO de Tefal, les unions départementales CGT et des unions locales de la Haute-Savoie, du Rhône, de l’Ain, des militantEs de Solidaires, de la CNT et une délégation de la CFDT.

Après l’entrée de l’inspectrice dans le tribunal sous les encouragements et les slogans, l’après-midi a été ponctuée par des témoignages de salariéEs en lutte, tel celui des militants de l’équipementier automobile SNR eux aussi victimes des classements sélectifs du procureur Maillaud, et par une pièce de théâtre au cours de laquelle le procès de Tefal et du ministère a été organisé.

Le succès du rassemblement, deux fois plus important que celui du 5 juin lors de la première audience, s’explique évidemment par le contexte social et politique : le combat des salariés d’Air France était dans toutes les têtes et le refrain de « Tomber la chemise » a été repris plusieurs fois. L’entente patronat-justice-gouvernement pour réprimer les résistances à l’austérité, même lorsqu’elles viennent de fonctionnaires qui font leur travail, est aujourd’hui visible bien au-delà de la Haute-Savoie et le rassemblement cristallisait la colère que l’on sent monter chez les salariéEs et dans les équipes militantes : yaourt jeté sur Macron, Hollande pris à parti par les militants de STX à Saint-Nazaire…

Parmi d’autres responsables politiques venus apporter leur soutien, Philippe Poutou a pris la parole pour le NPA et a insisté sur la nécessité de traduire cette colère montante en mobilisations, de préparer une riposte unitaire en dépassant les clivages syndicats/partis/associations. À noter également l’intervention du représentant d’EÉLV, qui a indiqué que la motion de soutien à l’inspectrice et au lanceur d’alerte proposée par son groupe et le Front de gauche au Conseil régional Rhône-Alpes a été rejetée conjointement par Les Républicains, le FN et le PS !

Justice de classe

Malheureusement dans la salle d’audience, l’ambiance était tout autre. Bien peu d’arguments juridiques mais un véritable déballage de poncifs antisyndicaux et de préjugés de classe.

Le procureur Maillaud a ainsi déclaré doctement que si « l’impartialité est l’obligation numéro 1 » de l’inspection du travail, elle doit tout de même prendre en compte « les réalités humaines et économiques » ! Une impartialité sélective dont Laura aurait manqué, « à l’heure où le pays est plongé dans crise, où des responsables politiques et syndicaux appellent à la violence »...

La présidente quant à elle s’est étonnée que l’inspectrice prévienne  au dernier moment les entreprises de ses visites, prérogative pourtant prévue par la loi ! Le procureur a fini par requérir à l’encontre de l’inspectrice une amende de 5 000 euros, et a envisagé l’inscription de la condamnation au bulletin 2 du casier judiciaire, ce qui pourrait impliquer sa révocation de la fonction publique.

L’issue du procès sera connue le 4 décembre, deux jours après la comparution des cinq salariés d’Air France devant le tribunal de Bobigny. Faisons de cette semaine une grande initiative de mobilisation contre la répression et amplifions la mobilisation jusqu’à la relaxe !

S.P.