Ce lundi 12 octobre, cinq salariéEs du fret à Air France ont été arrêtés à leur domicile comme de dangereux gangsters, des terroristes en puissance, et placés en garde à vue par la police de l’air et des frontières (PAF), habituellement spécialisée dans la répression des sans-papiers et de leurs soutiens.
Une fois le rideau du dialogue social déchiré, une fois le rouleau compresseur médiatique passé, la voie est ouverte à la criminalisation et la répression.
L’acharnement antisocial
Depuis le lundi 5 octobre, médias et responsables politiques se relaient dans la condamnation des « violences » faites aux deux cadres d’Air France. « Lynchage en règle » (le Figaro) par « quelques abrutis qui ont molesté les dirigeants d’Air France » (l’Opinion), « voyous » (Valls), « stupides » (Macron), « chienlit » (Sarkozy)... Un véritable lynchage orchestré par des médias qui ne comprennent pas qu’Olivier Besancenot et quelques rares autres ne condamnent pas ces actes, et qui tentent de transformer le déchirement de deux chemises en des violences intolérables en démocratie.
Dès lors, les prétendues difficultés économiques d’Air France ne sont plus qu’un prétexte à la régression sociale et la répression. La campagne commence donc avec des médias passant en boucle les images de deux hommes franchissant une grille. Des migrants franchissant une barrière au sud des USA, à la frontière entre Maroc et Espagne ou à celle de la Hongrie ? Non, deux agents du patronat fuyant le territoire de la « meute » des révoltéEs d’Air France pour gagner celui du patronat, des hommes politiques, des policiers, et des médias de la bourgeoisie.
Les véritables violences...
Cette mise en scène vise à faire oublier les violences liées au travail, celles oubliées par les représentants du Parti socialiste réconciliés avec l’entreprise au point de crier leur amour dans les assemblées du Medef.
C’est la violence du chômage, avec plus de 5 millions de privéEs d’emploi, non seulement rejetés du monde du travail mais aussi perçus ou se percevant sans utilité sociale. C’est aussi celle contre les millions de chômeurEs, ouvrierEs et employéEs qui meurent avant 60 ans dans un pays où l’on décède en moyenne à près de 80 ans. C’est enfin celle de la précarité : un salariéE sur dix travaille en CDD ou en intérim, en stages ou en contrats aidés. Un travail précaire qui s’accompagne de violences physiques et morales bien réelles : maladies, accidents de travail, harcèlement moral.
… et les vrais nantis
Ainsi lancés, les médias s’attaquent à celles et ceux qui ont la « chance » de travailler à Air France. Pourtant, même en prenant en compte les salaires des pilotes, on est loin des revenus des patrons du CAC40 : une moyenne de 4,2 millions d’euros, avec en tête Carlos Goshn (15,2 millions), Viehbacher, l’ancien directeur général de Sanofi (12,5 millions), Charlès, le dirigeant de Dassault Systèmes (11,1 millions)...
Sont aussi visées les conditions de licenciement de salariéEs qui auraient la « chance » de bénéficier de plan sociaux. Mais le résultat, pour les Conti, ceux de PSA ou de Goodyear, et tous les autres, ce sont à chaque fois des centaines qui restent sur le carreau, au chômage, des centaines de divorces, des dizaines de suicides...
Et les indemnités arrachées par la lutte restent très loin des primes qu’empochent des patrons pour « arroser » leur départ, comme Combes le PDG d’Alcatel avec près de 14 millions d’euros, moins chanceux que Winterkorn, touchant lui plus de 50 millions d’euros pour fêter son départ de Volkswagen en raison du scandale des contrôles truqués sur les véhicules diesel. On plaindrait presque les PDG de Sanofi se croisant, le « sortant » Viehbacher avec ses 4,5 millions d’euros et l’« entrant » Brandicourt avec son bonus de bienvenue de 4 millions d’euros...
Stopper l’offensive réactionnaire
Il s’agit de décourager les salariéEs et syndicalistes d’emprunter une autre voie que leur prétendu « dialogue social », dans lequel seuls les patrons, les actionnaires, ont vraiment la parole, le pouvoir de décider de notre sort. L’alternative est claire : si vous n’acceptez pas les reculs sociaux, c’est par la violence et la répression qu’ils seront imposés. Gare à toutes celles et ceux qui refusent ce consensus : la répression engagée contre le médecin du travail chez PSA et l’inspectrice du travail à Annecy en témoigne...
La social-démocratie a déjà endossé les habits de l’appareil répressif, notamment contre les mineurs en 1948. Depuis, les grandes répressions ont été menées par Reagan en 1981 contre les aiguilleurs du ciel et Thatcher en 1984 contre les mineurs.
Nous devons construire une défense inconditionnelle des salariéEs d’Air France – en particulier en étant à leur côté jeudi 22 octobre devant l’Assemblée nationale où ils se rassembleront – tout en refusant toute forme de participation au « dialogue social ». La mobilisation du 16 octobre en défense de l’inspectrice du travail d’Annecy est aussi l’occasion de se rassembler contre la répression. Dans le même temps, c’est bien toute la politique du gouvernement qu’il faut combattre, car au milieu de l’effondrement des espoirs politiques, la seule qui surnage est la sinistre figure de Marine Le Pen, créditée d’un tiers d’intentions de vote à la prochaine présidentielle...
Robert Pelletier