À la suite du sixième congrès de l’Union syndicale Solidaires qui s’est tenu du 2 au 5 juin 2014 à Dunkerque, nous ouvrons nos colonnes au secrétariat national de Solidaires afin qu’il nous présente les débats, les enjeux et les conclusions, même provisoires.
Solidaires dans le paysage syndicalLes débats ont montré l’attachement à la recherche de convergences et les avancées dans nos rapports avec la CGT, au plan national interprofessionnel comme dans un certain nombre de départements. Quant aux rapports avec la FSU, il faut souligner les difficultés à appréhender sa stratégie d’action au plan national. Les propositions de Solidaires de travail en commun au plan national, dans la suite des rencontres passées (sur les enjeux écologiques, la précarité ou le partage des richesses), sont pour l’instant restées sans réponse de la part des uns et des autres.Les débats du congrès ont confirmé que Solidaires ne pouvait se reconnaître dans la notion de « syndicalisme rassemblé » portée par la CGT lors de son dernier congrès. Les prises de position de la CFDT ont confirmé qu’il y avait de sérieuses divergences dans le mouvement syndical, et que si on ne pouvait s’en satisfaire, on ne pouvait pas faire comme si elles étaient mineures. Cela pose la question de travailler à davantage de convergences sur le fond mais aussi sur les stratégies d’action entre les syndicats qui rejettent les logiques d’austérité portées par ce gouvernement et les desiderata du patronat.
Cinq débats d’orientationCinq résolutions étaient en débat : le contexte général, la protection sociale, la place des femmes dans notre syndicalisme, l’enjeu des services publics, le développement.Sur le contexte de crise systémique, ses conséquences, ses effets sur le salariat, un débat reste ouvert en interne sur les questions liées à l’avenir de l’Union européenne et la question de l’euro. Un mandat est donné pour que ces problématiques soient approfondies au sein de Solidaires et ne restent pas l’affaire de « quelques spécialistes », en rappelant notre vision internationaliste du syndicalisme.Le débat sur la protection sociale a, une fois de plus et sans être tranché, porté sur les modalités de financement des diverses branches de la Sécurité sociale : élargissement ou non de l’assiette des cotisations sociales, financement de la politique familiale par la Sécurité sociale ou par le budget de l’État au titre de la solidarité…Sur le développement et la structuration, trois points ont été particulièrement discutés : le renforcement des moyens donnés au plan local (les Solidaires départementaux), la structuration dans le secteur privé (mise en place d’une structure nationale sur le commerce d’ici la fin de l’année 2014...), l’enjeu des élections fonction publique de décembre 2014 et notamment de la représentativité de Solidaires dans la fonction publique territoriale.Nous avons abordé pour la première fois la question des politiques publiques de façon séparée. Cette question est centrale en termes de choix politiques. Sans la traiter de façon exhaustive, Solidaires dispose désormais d’un socle revendicatif collectif sur les questions d’éducation, et nos réflexions doivent se poursuivre afin d’affiner nos analyses et affirmer nos conceptions en matière d’emploi, de formation, d’énergie, de transport, d’environnement, etc.Deux tables rondes se sont déroulées pendant ce congrès, sans vote mais permettant d’alimenter la réflexion collective sur les enjeux de santé au travail et les questions d’autogestion, de socialisation, d’appropriation collective des moyens de production.
L’enjeu de la place des femmesPour la première fois, une résolution spécifique sur la place des femmes dans notre syndicalisme a été votée en tant que telle. Elle porte sur les revendications pour l’égalité professionnelle mais aussi sur l’ensemble des questions recouvrant la domination masculine. Un débat sur la prostitution a confirmé la position abolitionniste de Solidaires.Ce texte pointe aussi la faiblesse de la féminisation dans les différentes organisations (un tiers de femmes présentes dans les structures) où on assiste au même phénomène de « plafond de verre » que dans les entreprises. Il reste donc du chemin à parcourir ! Ce congrès a malgré tout montré que les choses pouvaient bouger : de nombreuses femmes (notamment des jeunes) sont intervenues à la tribune.
Une déclaration finale comme feuille de routeUne déclaration finale du congrès a fixé dans la période les priorités d’intervention de Solidaires : les enjeux écologiques avec le rassemblement de Notre-Dame-des-Landes ou la mobilisation pour la conférence climat (COP21) en décembre 2015 qui se tiendra à Paris ; la participation aux manifestations Blockuppy Francfort contre la politique de la Banque centrale européenne ; la campagne « La coupe est pleine » en soutien aux mouvements sociaux brésiliens ; la détermination de Solidaires à faire échec au projet de d’accord de libre-échange dans le cadre de la campagne unitaire anti-TAFTA...Le congrès a confirmé la poursuite de la campagne initiée en début d’année « Les capitalistes nous coûtent cher », une campagne qui veut répondre à la bataille idéologique sur « le coût du travail ». Elle s’inscrit dans notre affrontement avec le patronat, inhérent à notre syndicalisme. Notre ambition est de la mener en commun avec d’autres forces syndicales comme de la renforcer pour qu’elle favorise la construction des rapports de forces. De ce point de vue, notre pratique reste la même : donner les moyens aux salariéEs de décider et de mener leurs luttes en toute autonomie.Nous avons réaffirmé notre combat contre l’extrême droite. Pour cela, le syndicalisme doit reconquérir des terrains et populations. Pour Solidaires, le Front national, par sa politique de préférence nationale, divise les salariéEs tout en promouvant un capitalisme national. La politique d’austérité du gouvernement fait le jeu de l’extrême droite. Décomplexée, celle-ci use de la violence la plus extrême, comme en témoigne le meurtre de notre camarade Clément Méric il y a un an.Des ripostes unitaires sont possibles et nécessaires (collectif « L’extrême-droite tue, ensemble combattons-la », travail intersyndical avec la CGT et la FSU, les formations avec VISA...). C’est en démontrant que le syndicalisme est porteur d’un projet de transformation sociale, que l’unité et la maîtrise des luttes par les salariéEs sont une force, que nous ferons reculer le Front national et l’extrême droite, jamais à l’aise en période de fort mouvement social… Par contre, chaque défaite comme chaque lutte non menée, leur ramènent de nouveaux électeurEs. Leurs avancées sont faites de nos reculs !Ce congrès a confirmé l’homogénéité politique de Solidaires et son développement : 110 000 adhérentEs (soit + 10 000 depuis le dernier congrès de 2011). Il a permis une nouvelle fois des interventions de camarades du mouvement social avec qui nous travaillons, comme des interventions liées à notre réseau international...Il a été aussi l’occasion d’un renouvellement générationnel important avec le départ (pour cause de retraite) de trois camarades qui ont pris une place importante dans la construction de Solidaires : Thi Trinh Lescure, Christian Mahieux et Annick Coupé. Un secrétariat national de douze personnes a été élu (dont deux co-déléguéEs généraux), avec pour la première fois trois camarades issus du secteur privé (secteur social et industrie), confirmant le développement de Solidaires dans ce secteur.