L’annonce que la Société générale envisageait de supprimer 400 agences d’ici 2020 a entraîné récemment un buzz médiatique. Alors que les nouveaux moyens de communication – et la baisse de fréquentation des agences qu’ils entraîneraient – sont mis en accusation, c’est plutôt du côté de la recherche d’une augmentation des profits qu’il faut regarder.
La divulgation par une organisation syndicale des projets de la Société générale a fait l’effet d’une bombe car les chiffres annoncés – une agence sur cinq d’ici cinq ans – représentent une restructuration d’ampleur. Du jamais vu dans la profession.
Concurrence acharnée
Venant dans le prolongement de l’annonce d’un plan de suppressions de 420 postes dans les services centraux, ce projet comporte évidemment la menace d’une nouvelle réduction drastique des effectifs de la banque. Pourtant, si la Société générale a été mise en avant, elle n’est pas la seule à prévoir, au nom de la place pris par le numérique dans la relation entre la banque et ses utilisateurs, la réduction du nombre de ses agences. L’ensemble des réseaux bancaires, français comme internationaux, annoncent et mettent en application une diminution du nombre de leurs agences et une modification de l’organisation de la relation clientèle qui sous prétexte de s’adapter aux nouveaux comportements – en particulier des jeunes – cherche en réalité à pousser les utilisateurs vers la banque en ligne et vers plus de segmentation et de sélection.
95 % de la population ayant un compte en banque, c’est au travers d’une concurrence acharnée sur les produits bancaires et les offres de services que se déroule la bataille pour gagner des « parts de marché » de clientèle.
Vous avez dit « plan de sauvegarde de l’emploi » ?
Simultanément, les banques poursuivent leur politique de réduction des effectifs dans tous les secteurs d’activité, en profitant des départs en retraite massifs de la génération embauchée dans les années 70. Fermetures d’agence, plan de sauvegarde de l’emploi, suppressions et regroupements de services se multiplient alors que toutes les banques affichent des profits importants et bénéficient du CICE accordé généreusement par le gouvernement.
Si jusqu’à présent, la plupart n’ont pas procédé à des licenciements du fait des départs en retraites, les PSE mis en place en comportent la menace explicite. Loin de compenser ces départs, les embauches réalisées se font essentiellement dans les secteurs de banque en ligne et dans les réseaux d’agence qui désormais sont sur la sellette, avec à la clé la possibilité de mobilité contrainte voire de licenciements secs. Parallèlement, la dégradation des conditions de travail s’amplifie dans l’ensemble des secteurs.
Le numérique a bon dos...
Car si la fréquentation des agences diminue, la responsabilité en incombe d’abord aux banques elles-mêmes qui l’organisent en réduisant le nombre de guichets de proximité au profit de plus grosses structures déshumanisées dotées d’automates qui ne peuvent répondre à l’ensemble des besoins. La réduction des effectifs conduit à l’augmentation des files d’attente qui finalement incitent de nombreux utilisateurs à se servir du téléphone ou d’Internet, ou à choisir des banques en ligne qui sont pourtant toutes des filiales des principales banques. Et la boucle est bouclée.
Ces politiques qui visent à concentrer l’activité sur des plateformes et donc à faire des économies d’échelle sur les effectifs et les locaux, servent la recherche du profit au détriment des usagers et du rôle de service public que devrait avoir la banque. Elle conduit aussi à accroître la désertification des zones rurales et des banlieues pour favoriser une clientèle plus aisée et manipulant plus facilement les outils informatiques. L’inverse d’une politique au service de la population qui ne pourra s’appliquer qu’avec la mise en place d’un monopole public bancaire sous contrôle des usagers et des salariés.
Côme Pierron