Le 16 septembre dernier, trois syndicalistes de la Caisse d’épargne Île-de-France (deux du syndicat Sud, un de la CGT) comparaissaient devant la 14e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Les faits qui leur sont reprochés remontent à plus de 4 ans et malgré l’absence de plaignants (la direction de l’entreprise a décidé de retirer sa plainte), de témoins de la partie civile, le parquet avait néanmoins décidé de les poursuivre contre toute attente.
Pour bien comprendre ce dont il s’agit, un petit retour sur les faits s’impose. Entre avril et mai 2010, la Caisse d’épargne Île-de-France a connu un conflit social d’une durée et d’une intensité inhabituelles dans le milieu bancaire : quatre semaines d’une grève exemplaire, reconduite quotidiennement par les grévistes en assemblée générale, avec au final la victoire des salariéEs en lutte. Le 7 mai, un protocole de fin de grève est signé et la direction satisfait l’ensemble des revendications.Pourtant, alors que le protocole conclu entre la direction et les organisations syndicales devait sceller la fin du conflit et permettre de retrouver un climat social pacifié, en juillet 2010, deux mois après la fin de la grève, les dirigeants de l’entreprise déposaient une plainte vengeresse contre trois « meneurs ». Dans cette plainte, ils accusaient les syndicalistes de faits d’une extrême gravité : séquestration, tentative d’extorsion de signature sous la contrainte et même, excusez du peu, incitation au crime !Ce rebondissement illustre le climat délétère qui règne à la Caisse d’épargne Île-de-France depuis de nombreuses années, et plus généralement au sein du Groupe BPCE. Sud BPCE est le premier syndicat à la Caisse d’épargne Île-de-France (où il pèse plus de 33 %) et deuxième organisation au niveau national dans la branche des Caisses d’épargne (avec plus de 23 %). Pour les dirigeants de l’Écureuil, une telle situation est insupportable, Sud est l’ennemi à abattre, d’autant que Sud ne ménage pas sa peine… ni les patrons, dans son action au quotidien : grève en 2006 au moment de la création de Natixis, plainte contre François Pérol pour prise illégale d’intérêt, sans oublier les multiples condamnations de la Caisse d’épargne devant les tribunaux obtenues par Sud ces dernières années.
Les fossoyeurs du droit de grève ont perdu !Les faits reprochés aux syndicalistes parisiens : avoir séquestré le DRHS le 15 avril 2010 lors d’une séance de négociation et avoir manifesté le lendemain sous les fenêtres du domicile du Président du directoire, en chantant des slogans qui constitueraient une tentative d’extorsion de signature par la violence ! Gros éclats de rire dans la salle lorsque la présidence lit les slogans entonnés par les manifestants à cette occasion, dont le fameux : « Comolet t’es foutu, les salariés sont dans la rue ! »Lors du procès, les avocats de la défense ont soulevé nombre d’irrégularités dans la procédure. Au terme des débats, le procureur, peu sûr de son fait, a requis 1 000 euros d’amende avec sursis contre les prévenus. Les avocats des prévenus ont réclamé la relaxe pure et simple, s’appuyant sur les jurisprudences essentielles au respect du droit de grève mais aussi relatives aux faits de séquestration.Ce mardi 14 octobre, nous avons eu communication du jugement du tribunal qui a décidé de relaxer nos camarades. Une sage décision qui donne raison aux salariéEs qui luttent et renvoie dans leurs buts ceux qui se rêvaient fossoyeurs du droit de grève.
Patrick Saurin