12 % des salariéEs sont exposés dans leur travail à au moins un facteur cancérogène. Dans moins de la moitié des cas, les protections aux agents chimiques sont jugés efficaces par les médecins du travail. Et une minorité des cancers professionnels sont reconnus par la Sécurité sociale...
Le cancer est la première cause de mortalité en France. Certains facteurs professionnels sont susceptibles d’augmenter le risque d’être touché par la maladie. Un document récent de l’institut Santé publique France fait le point sur la situation des salariéEs à partir d’une enquête réalisée en 2009-2010.
12 % des salariés exposés
Les auteurs soulignent que les facteurs de cancer sont souvent étudiés séparément les uns des autres, alors qu’en milieu professionnel, le travailleur peut être confronté simultanément à de nombreux agents chimiques, physiques et/ou biologiques, ainsi qu’à des contraintes organisationnelles et psychosociales. Ils précisent que « de faibles expositions associées à des risques faibles pour la santé, quand elles sont considérées séparément, sont potentiellement problématiques quand elles sont concomitantes, du fait d’interactions a minima additives ». Autrement dit, une exposition faible à un facteur cancérogène peut représenter un risque faible de cancer, mais plusieurs expositions faibles peuvent entraîner un risque élevé.
Trois types de cancérogènes ont été sélectionnés dans l’étude : 24 agents chimiques, les rayonnements ionisants et le travail de nuit chez les femmes associé à un risque supplémentaire de cancer du sein (pas chez les hommes). Il en résulte qu’en France, en 2010, 12 % des salariéEs – environ 2,6 millions : 2 millions d’hommes (17 %) et 600 000 femmes (5,9 %) – ont été exposés à leur poste de travail à au moins une nuisance cancérogène, et environ 757 000 salariéEs présentaient une exposition à au moins deux cancérogènes (5,7 % chez les hommes et 0,9 % chez les femmes). Les trois quarts des hommes exposés étaient des ouvriers (53 % qualifiés et 21 %, non qualifiés et agricoles), alors que les femmes exposées occupaient surtout des professions d’employées de services (38 %) ou intermédiaires (33 %). Les salariéEs concernés étaient principalement des hommes ouvriers du bâtiment et des travaux publics, de la maintenance, du travail des métaux, des transports et de la réparation automobile, ainsi que des femmes des professions de santé (infirmières, sages-femmes et aides-soignantes), des coiffeuses, esthéticiennes et du personnel des industries dans lesquelles les matières premières subissent une transformation chimique en plus d’une transformation physique.
Des protections insuffisantes
Pour ce qui est des protections qui peuvent être à la disposition des salariés exposés, elles sont jugées satisfaisantes par les médecins du travail dans seulement moins de 45 % des cas.
Ces résultats confirment l’importance des risques qui contraste avec la sous-estimation des cas de cancers professionnels du fait, notamment, du manque d’information sur les expositions lors de la carrière des salariés et du délai, toujours long, entre le début de l’exposition et l’arrivée de la maladie (fréquemment après la cessation d’activité).
Par ailleurs, les dossiers sont souvent étudiés par des médecins qui ne connaissent pas les situations de travail. La sous-estimation des cas entraîne une sous-déclaration et donc une sous-reconnaissance en maladie professionnelle. Selon l’INCa (Institut national du cancer), seuls 15 à 30 % des cancers professionnels seraient ainsi reconnus, et l’on estime que plus de 60 % des cancers du poumon et 80 % des leucémies d’origine professionnelle ne seraient pas déclarés et donc reconnus et indemnisés au titre des maladies professionnelles.
Les patrons ne veulent pas payer
Les patrons font tout pour empêcher l’information des salariéEs, les déclarations d’accident de travail, de maladie professionnelle. Les caisses d’assurance maladie sont bien souvent à leurs côtés pour en refuser la reconnaissance. Si une partie des médecins du travail ne jouent pas leur rôle par incompétence, soumission volontaire ou forcée aux pressions patronales, ceux qui résistent comme le Dr Huez1 sont sanctionnés. Les attaques – contre ce qui reste de médecine du travail, contre les CHSCT –engagées par Macron-El Khomri vont être amplifiées par Macron président.
Le coût financier de ces milliers de cancers professionnels est donc supporté par l’Assurance maladie et non par le régime Accidents du travail-maladies professionnelles2 : « Ce coût, qui devrait être payé par les industriels qui s’enrichissent en mettant la vie des travailleurs en danger, est indûment payé par la collectivité », souligne Annie Thébaud-Mony, sociologue spécialiste des questions de santé publique. Rappelant l’exemple de l’amiante, elle souligne dans Bastamag que les industriels savaient de quel risque il était porteur, affirmant à juste titre : « Il ne doit plus y avoir de permis de tuer dans le monde du travail... En l’absence de prévention efficace reposant en premier lieu sur l’expertise des travailleurs lorsqu’ils sont informés des dangers subis, on continue à fabriquer les cancers du futur. C’est intolérable. »
Henri Wilno
- 1. Médecin du travail sanctionné par l’ordre des médecins pour avoir établi un certificat établissant un lien entre l’état de santé d’un salarié d’une entreprise sous-traitante du nucléaire et ses conditions de travail.
- 2. Le coût de la sous déclaration des AT-MP est évalué entre 500 millions et 1 milliard d’euros pour la CNAM.