La France est une des lanternes rouges de la santé au travail en Europe. Entre invisibilisation, répression patronale et suppression des CHSCT, cela ne risque pas de s’améliorer. Alors le succès des assises pour la santé et la sécurité des travailleurEs, à la Bourse du travail de Paris, les 25 et 26 mars, est un bel encouragement à la lutte.
À l’appel de la CGT, de Solidaires et de la FSU, plus de 500 syndicalistes ont dialogué deux jours durant avec de nombreuses associations qui organisaient ces assises, des experts, des équipes féministes, avec l’espoir que la santé au travail et le 28 avril, journée mondiale de la santé et de la sécurité au travail, s’installent un peu plus dans l’agenda militant. Alternant plénières et travail en ateliers, où les échanges sont plus faciles, ces deuxièmes assises ont permis une rediscussion de la plateforme revendicative adoptée en 2024, et des échanges très riches, avec parmi les fils rouges le genre du travail, la précarité et les hors-statut, et le sens du travail.
Le travail a un genre, les maladies aussi
Les atteintes à la santé des femmes et des minorités de genre sont nombreuses, mais souvent niées et invisibilisées. Les organisateurEs ont donc souhaité les mettre au cœur de la filière femmes santé travail, mais aussi intégrer la dimension genrée des expositions, des risques et des pénibilités dans toutes les assises. Les participantEs ont planché sur le cancer du sein, le premier cancer féminin en France et dans le monde, en insistant sur les causes professionnelles et environnementales, très peu étudiées, mais aussi sur les luttes pour la reconnaissance en maladie professionnelle des cancers du sein en lien avec le travail de nuit, les relations entre parafoudres surtenseurs chez France Telecom Orange ou l’oxyde d’éthylène chez Tetra Medical.
Impossible d’échapper à la question des violences masculines contre les femmes au travail mais aussi dans les organisations syndicales, avec les interventions de l’AVFT (association européenne contre les violences faites aux femmes au travail), les témoignages, les saynètes et les chansons du Résyfem (Réseau syndical féministe) sur les femmes agressées, licenciées et ruinées, ou l’intervention de Solidaires, sur la constitution d’une cellule de veille contre les VSS dans une organisation syndicale. Temps de travail, temps du travail et santé des femmes au travail ont soulevé le voile sur le travail en 12 heures dans la santé, ou le rêve d’un code du travail reproductif, avec le droit au congé hormonal, un arrêt de travail compensatoire pour charge mentale excessive, ou le droit à la paresse, à la joie et à l’humour !
Accidents du travail et maladies professionnelles
La suppression des CHSCT en 2017 dans le privé, puis en 2023 dans la fonction publique, a fortement affaibli l’intervention des équipes syndicales sur les questions de santé, de sécurité́ et de conditions de travail. Comment agir contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, notamment avec les intérimaires et les précaires ?Comment faire reconnaître les maladies psychiques en maladies professionnelles ? Quelles actions syndicales pour rendre visibles les accidents du travail, comme ce protocole intersyndical qui prévoit au Pays basque des rassemblements systématiques lors d’un accident grave ou mortel. Autant de pistes de travail en débat.
La santé des travailleurEs, sentinelle de l’environnement
Santé au travail et environnement étaient au cœur de la troisième filière : polyexpositions, luttes contre les PFAS, ces polluants éternels, à l’intérieur et à l’extérieur des lieux de travail, exposition à l’amiante dans l’Éducation nationale, intoxication au plomb, autant de thèmes débattus entre syndicalistes du rail, de la chimie, des déchets, de l’Éducation nationale et militantEs pour la justice climatique et environnementale. La quatrième filière tournait autour de la question de la transformation du travail. Travailler, oui… mais pour quoi ? pour qui ? Comment ? Travailler pour produire quoi ? Travail : aliénation et/ou émancipation ? De bien belles assises.
Frank Prouhet