Publié le Vendredi 12 décembre 2014 à 16h30.

CGT : pourquoi Lepaon résiste ?

La « démission » du trésorier confédéral, fusible à retardement, et la convocation d’un Comité confédéral national (CCN) extraordinaire en janvier ne répondent pas vraiment aux attentes des nombreux militantEs indignés.

Depuis plusieurs semaines, ils et elles souhaitent que la direction confédérale prenne des sanctions contre les responsables des dérives de l’appareil, assure une transparence dans le fonctionnement, et revoie son orientation politique.

Des réactions révélatrices« La crédibilité des syndicats auprès des salariés est à un niveau historiquement bas. La crise de la CGT va accentuer cet affaiblissement. Ce n’est pas bon pour le dialogue social et cela risque de libérer des forces non maîtrisées, conduire certains à se radicaliser sans être encadrés. C’est l’intérêt du pays que la CGT retrouve son unité, sa force et arrête un programme clair pour notre temps », dit Raymond Soubie, ex-conseiller « social » de Sarkozy... Cette déclaration illustre un des enjeux essentiels de la crise traversée par la CGT.Les dernières révélations de la presse concernant l’indemnité de licenciement octroyée à Lepaon lors de son passage de la Basse-Normandie à la Confédération, même présentée comme une compensation retraite à plusieurs années de chômage, a fait franchir un nouveau pas à son discrédit.En même temps que montent de nombreuses protestations des militantEs, de multiples structures, Lepaon fait de la résistance et refuse de quitter son poste. Si ces révélations et ses justifications ont d’abord suscité stupeur et colère, leur multiplication dans la période des élections professionnelles dans la fonction publique a commencé à susciter un réflexe de repli, d’autodéfense de la CGT.

De la bureaucratieEn fait, ces révélations illustrent la prise de distance d’un certain nombre de dirigeants avec les valeurs du syndicalisme portées par la majorité des militantEs. Les dérives du secrétaire général ne sont que la partie rendue visible de pratiques très répandues dans l’ensemble des appareils syndicaux.Cette distance est totalement liée aux positionnements politiques de ces responsables fait d’attentisme, de complaisance, de dialogue social, de pactisation avec le patronat et avec les différents gouvernements. C’est bien là le sens de la fameuse déclaration de Lepaon : « il n’y a pas d’opposition de principe entre patronat et salariés », de ses hésitations sur le fait de ne pas participer à la Conférence sociale de juillet dernier, ou des propositions de recul sur la question des seuils sociaux.C’est ce qui permet de comprendre qu’à ce jour, seul le trésorier confédéral ait servi de fusible. Car bien entendu, cette orientation a le soutien d’une majorité des instances dirigeantes – bureau confédéral, commission exécutive confédérale –avec, pour le moins, la passivité du CCN.

Remises en cause profondesLepaon et son entourage espéraient, en les rencontrant de façon informelle, obtenir une neutralité passive des dirigeants fédéraux ou régionaux, plutôt que de convoquer un CCN où pourrait se dégager une majorité qui a les moyens juridiques d’imposer son départ...Ce départ serait pourtant le « minimum syndical » pour répondre à la légitime indignation des militantEs, et répondre au désaveu des salariéEs qui s’est exprimé dans les élections professionnelles dans la fonction publique.Mais une fois cela réglé, les questions les plus importantes resteront posées : une totale transparence sur le financement et l’utilisation de ces moyens, et la transformation du fonctionnement pour garantir la démocratie et donner un minimum de sens au mot d’ordre CGT, « syndiqué acteur-décideur ». Mais surtout il faut rompre avec une orientation qui avalise, voir anticipe, des reculs sociaux, de rompre franchement avec le dialogue social.L’urgence, c’est d’organiser la mobilisation contre les projets patronaux et gouvernementaux et dans l’immédiat contre le projet de loi Macron. Un ordre du jour chargé pour le CCN convoqué exceptionnellement dans quelques semaines, en janvier.

Robert Pelletier