Lors du Comité central d’entreprise d’EDF SA du 2 février dernier, la direction a annoncé sa volonté de supprimer 6 % des 65 300 emplois de l’entreprise (France et hors filiales) d’ici 2019.
Cela représente près de 4 000 postes... alors que 2 000 emplois ont déjà été supprimés en 2016 !
Le coût du nucléaire
Une accélération des suppressions de postes de travail d’autant plus surprenante que l’entreprise a de gros chantiers devant elle. D’une part, la maintenance lourde des centrales nucléaires françaises et les incertitudes sur la fermeture de la centrale de Fessenheim. D’autre part la construction de deux réacteurs EPR à Hinkley Point, en Angleterre, véritable gouffre financier, elle aussi sujet de débats et de doutes exprimés y compris par la CGT d’EDF, pourtant peu suspecte d’être antinucléaire...
La facture des arrêts de réacteurs nucléaires enfle pour EDF qui a révisé à la baisse la production et l’a conduit à réviser son résultat d’exploitation. Bien qu’ayant anticipé les contrôles sur plusieurs réacteurs, EDF n’a pas pour autant relevé sa prévision de production, compte tenu des incertitudes qui persistent. L’examen des 6 000 dossiers nucléaires, que doit conduire Areva après la découverte cet été de falsifications sur un dossier de fabrication d’un générateur de vapeur, prendra plus d’un an, et révélera probablement des anomalies. Le coût final dépendra des décisions de l’Autorité de sûreté nucléaire. D’ores et déjà, le coût des arrêts forcés de réacteurs suite aux contrôles et aux falsifications de dossiers à l’usine Areva du Creusot (Saône-et-Loire) entraîne un manque à gagner d’au moins 1 milliard d’euros. Alors que le groupe est endetté à hauteur de 37,4 milliards d’euros, il doit investir 100 milliards d’euros d’ici à 2030, notamment dans la rénovation des centrales nucléaires.
Le coût de la privatisation
Sa fragilité financière provient avant tout de l’ouverture à la concurrence qui, en faisant chuter les prix, engendre une perte de 7 à 10 milliards d’euros par an de recettes. Avec la fin des tarifs réglementés pour les entreprises et les collectivités locales, la montée en puissance des fournisseurs alternatifs chez les clients résidentiels et la baisse des prix de marché de l’électricité, EDF a vu ses volumes de vente d’électricité et ses marges se réduire.
« Le prix est aujourd’hui le seul argument qui justifie le passage à la concurrence aux yeux des clients », notait EDF il y a un an, en réponse au droit d’alerte économique lancé par les syndicats.
Cependant, pour l’année 2015, 2,3 milliards d’euros de dividendes ont été versés aux actionnaires.
Syndicats : une logique d’accompagnement difficile à tenir
Si aucun secteur de l’entreprise n’est épargné, la direction « Commerce » est l’une des branches particulièrement concernées, avec l’annonce d’un plan de fermeture de 77 boutiques d’ici fin 2 019 qui devrait à lui seul concerner 420 salariéEs.
En novembre, la CGT, FO et la CFDT ont signé un accord d’entreprise prévoyant des mesures financières pour accélérer des départs à la retraite et un congé de fin de carrière sur la base du volontariat, qui permettrait à un salariéE de toucher un revenu de remplacement (70 % de son salaire brut) pendant trois ans en attendant sa retraite. Cela concernerait près de 3 500 à 4 000 postes (achats, juridique, comptabilité...) d’ici fin 2018.
La CGT dénonce une « saignée » contraire à l’engagement pris en avril dernier par la direction de ne pas supprimer des emplois supplémentaires, alors même qu’elle décidait de porter son plan d’économie de 700 millions à 1 milliard d’euros. Le syndicat soupçonne un deal entre le gouvernement et EDF : les suppressions massives d’emplois permettent à l’État d’abaisser le montant de la recapitalisation de l’électricien des 4 milliards d’euros initialement prévus à finalement 3 milliards d’euros...
Robert Pelletier