Publié le Lundi 2 mai 2016 à 06h04.

Ford Blanquefort (33) : 3,5 milliards de dollars pour les actionnaires, 1 % pour les salariéEs...

Le climat social dans l’usine prend un coup de chaud depuis quelques semaines. Alors que l’engagement sur les emplois n’est pas respecté, que l’avenir du site reste menacé, que les conditions de travail se dégradent, c’est sur la question des salaires que ça craque.

Le baratin de la direction sur la nécessaire compétitivité, et donc des restrictions perpétuelles, semble atteindre ses limites. Pas d’argent chez Ford ? Certainement pas : des profits records, des ventes et des parts de marché en hausse, quelque 3,5 milliards de dollars distribués aux actionnaires en 2015, un revenu de dingue de 18 millions de dollars pour le « number one » de Ford Motor Company, M. Field toujours en 2015. À côté, Tavarès (PSA) ou Ghosn (Renault) sont des petits joueurs avec leurs 5 à 7 millions d’euros annuel...

Il y a donc largement de quoi mettre en colère n’importe quel salariéE... et c’est ce qui se passe ! La direction augmente de 1 % les salaires, soit entre 16 et 20 euros pour la plupart d’entre nous. Inacceptable. Deux gros débrayages d’une heure ont marqué ces deux dernières semaines. Puis les trois syndicats ouvriers ont appelé pour mercredi 20 avril à une journée « usine morte » : 24 heures de grève avec l’objectif de bien faire comprendre que l’austérité, ça ne passe plus, revendiquant 70 euros minimum pour toutes et tous. Cette journée a été une réussite avec une grève majoritaire, une production largement réduite. Les collègues nombreux se sont positionnés devant les entrées des camions, perturbant le trafic pendant un bon moment.

La direction sous tension

La direction n’a pas supporté cet affront, voyant « ses » salariéEs s’installer sous son nez, avec banderoles, drapeaux, couleurs syndicales, tables et chaises, pour un programme de casse-croûte, belote, pétanque… Un ouvrierE, c’est fait pour rapporter de la plus-value à son patron, pas pour revendiquer une redistribution des richesses, encore moins pour occuper les devants de l’usine comme s’il était chez lui... Très tendue, la direction a donc fait venir un huissier pour faire constater le blocage, pour intimider. Les salariéEs ont nié, les dirigeants en mode méchant ont vite enlevé banderoles et divers obstacles devant l’accès, ouvrant ainsi le passage aux camions qui s’accumulaient. L’après-midi, c’est l’autre équipe de grévistes qui a repris la position, et à nouveau la direction a dû intervenir pour libérer le passage, menaçant les salariéEs de sanctions.

Nous n’avons pas obtenu satisfaction, pas encore, mais quoi qu’il arrive, nous avons vécu un bon moment de dignité, de fierté collective, un peu comme une revanche sur tous ces mois passés à subir les comportements méprisants et parfois agressifs des dirigeants et des chefs. Une belle journée rappelant à beaucoup d’entre nous le blocage de l’usine et les diverses actions des années passées. En espérant que tout cela redonne confiance et change l’ambiance, ce qui nous aiderait pour défendre nos conditions de travail et les emplois.

Philippe Poutou