Entretien. Depuis début mai, Ikea, le géant suédois de l’ameublement, est secoué par une série de grèves sur fond de négociation salariale. Nous avons demandé à Fathia Belhaoui1, employée au magasin de Villiers-sur-Marne et élue du SCID (ex-CFDT), de nous en dire davantage.
Peux-tu nous en dire plus sur la santé économique de votre enseigne et sur vos conditions de travail et de rémunération ?
Ikea France se porte très bien puisque le chiffre d’affaire a augmenté de 9,2 %, soit 2,630 milliards d’euros en 2016, et garde sa place de leader sur le marché de l’ameublement pour la septième année consécutive. Nous avons de la chance de travailler dans une entreprise en très bonne santé financière. Le problème, c’est que plus elle s’enrichit, moins les salariéEs en perçoivent les fruits.
Ainsi, chaque année, pour justifier l’enveloppe très basse octroyée lors de la NAO (Négociation annuelle obligatoire), on nous dit que les objectifs fixés par Ikea Global, la maison mère, ne sont pas atteints… Or, tous les ans, les objectifs sont fixés toujours plus hauts, on doit faire du plus sur du plus.
90 % des magasins percevaient une prime d’au moins un mois de salaire par an. Cette année, les critères on été changés en cours d’année pour que nous percevions beaucoup moins. Ikea communique beaucoup sur les valeurs de l’entreprise. Or la loyauté ne fait manifestement pas partie des leurs. Le travail du dimanche rémunéré à 125 %, c’était pour mettre du beurre dans les épinards, mais aujourd’hui, il devient une nécessité pour acheter les épinards en question !
Magasins et logistiques sont secoués par des débrayages depuis un mois. Quelles sont les raisons de cette colère et vos revendications ?
Les salariéEs des dépôts ont fait grève pour défendre leur rémunération. Pour la direction, il faudrait qu’ils se résignent à accepter que leur prime annuelle passe de plus d’un mois de salaire à 15 %, cela malgré le fait que les objectifs de qualité et de productivité sont atteints !
Après l’occupation du siège de l’entreprise le 23 mai dernier, quelles perspectives de poursuite et d’extension du conflit ?
Pendant que la réunion de négociation se poursuivait dans un hôtel parisien, la délégation CGT a quitté la table en fin de matinée pour rejoindre les salariéEs de la logistique, leurs éluEs de plusieurs magasins, ainsi qu’une délégation du SCID devant le siège social. La direction n’a pas reçu les grévistes car elle ne veut pas conforter ce rapprochement inédit entre personnel des magasins et des dépôts. Nous avons occupé les lieux jusqu’à l’arrivée des ouvriers qui effectuaient des travaux de nuit dans le bâtiment.
Ce mouvement a fait tache d’huile puisque plusieurs magasins comme le mien et celui de Thiais se sont mobilisés le week-end dernier et que le mouvement de grève se produit alors même que la négociation n’est pas terminée... C’est dire la détermination des salariéEs à se faire entendre !
Propos recueillis par LD
- 1. Le nom a été changé.