La grève avait été lancée suite à une tentative consciente, préparée plusieurs mois à l’avance par SUD Poste 92 de faire partir un maximum de bureaux à la fois, en commençant par un appel à 48 heures de grève les 10 et 11 mai.
Le pari est partiellement réussi : le 10 mai, la grève est majoritaire dans huit centres mais tous les bureaux concernés par des réorganisations ne reconduisent pas la grève le lendemain. Les facteurs d’Asnières reconduisent la grève massivement (90 %), Colombes et Malakoff-Vanves leur emboîtent le pas, avec des taux qui oscillent entre 30 % et 75 % au long des deux mois de grève, ainsi qu’une minorité d’Issy-les-Moulineaux qui fait naître un climat de contestation dans un bureau qui n’a pas fait grève depuis au moins 20 ans. Ils sont rejoints le 1er juin par Fontenay (près de 100 % de grévistes).
Les grévistes se battent contre des plans de suppressions d’emplois, pour l’embauche d’intérimaires et dans le cas d’Asnières et de Fontenay contre la délocalisation des sites.
Une continuité dans la stratégie
Comme lors des conflits précédents en 2009, 2010, 2012, 2014 et 2015, c’est en regroupant les grévistes de plusieurs établissements que les postiers des Hauts-de-Seine sont parvenus à faire plier La Poste. Tous les jours, les grévistes des différents établissements interviennent dans les centres postaux pour populariser et tenter d’étendre la grève, et se regroupent en AG départementale : additionner les forces des bureaux permet d’acquérir un impact que chaque bureau ne peut pas avoir séparément. La caisse de grève est également une tradition solidement installée dans le 92, elle a été cette fois-ci lancée et alimentée en prévision du conflit et pas seulement au moment même de la grève.
Les résultats sont là : annulation d’une réorganisation prévoyant la suppression de 11 emplois à Asnières avec la garantie d’une période minimale de 30 mois sans suppressions d’emplois (ce qui fera en tout une période minimum de 9 ans sans réorganisation à Asnières, de 2010 à 2019), ainsi qu’une prime de 2 500 euros pour compenser la délocalisation du site d’Asnières vers Gennevilliers ; embauche de 12 intérimaires en CDI dans le 92 ; maintien des facteurs de Fontenay-aux-Roses dans leur ville jusqu’au moins 2018 ; réduction significative du nombre de suppressions d’emplois et de tournées à Colombes, Malakoff et Vanves ; report de plusieurs mois de la restructuration du centre d’Issy-les-Moulineaux.
C’est bien la stratégie de regroupement des centres ainsi que la démonstration faite dans le passé que les postiers du 92 étaient capables de tenir des grèves longues qui ont poussé La Poste à lâcher.
Une double mobilisation : contre La Poste et contre la loi travail
La victoire s’est jouée également à un autre niveau. Les grévistes n’étaient pas isolés, ils ont activement participé à la mobilisation contre la loi travail. La coïncidence entre cette grève et la mobilisation contre la loi travail n’en est pas une, et ce n’est certainement pas un hasard si lors de ce conflit, les grévistes, notamment les femmes, étaient particulièrement nombreuses et nombreux à prendre la parole dans les centres auprès de leurs collègues ou dans les réunions publiques.
L’implication des postiers du 92 dans les manifestations contre la loi travail, leur appui aux étudiants et aux lycéens, la participation à Nuit debout, aux cortèges et AG interprofessionnelles/interluttes, ont donné une physionomie particulière à l’affrontement avec La Poste : à de nombreuses reprises, plusieurs dizaines de militantes et militants du mouvement contre la loi travail ont bloqué des centres postaux pour aider la grève des postiers.
Le soutien financier de la CGT Goodyear, CGT SIP, CGT Info Com et CGT Air France aux postiers du 92 (où le syndicat majoritaire est SUD) a signifié que, dans la mobilisation contre la loi travail, des barrières entre des milieux qui habituellement ne se prêtaient pas main-forte avaient commencé à s’effriter. Les grévistes ont ainsi fait une expérience qui leur a prouvé que s’allier à d’autres secteurs était vital pour gagner sur ses propres revendications et plus globalement pour changer le rapport de forces.
Correspondant