Yann Le Merrer (SUD Poste 92) est le premier fonctionnaire révoqué depuis plus de 60 ans pour des motifs militants. La mobilisation se construit pour empêcher sa révocation.
La Poste a attendu son heure pour prononcer cette décision. La grève des postierEs du 92 s’était terminée le 21 juillet dernier, Yann est passé en commission disciplinaire le 30 octobre… et la décision de le révoquer a été prise le 9 janvier.
Droit de s’exprimer et de s’organiser ?
Deux jours après les attentats de Charlie hebdo, La Poste a donc su saisir l’occasion du renforcement du climat répressif. Mais elle a aussi fait le choix d’ajuster sa stratégie, elle qui n’avait pour l’instant pas réussi à licencier pour de bon ou à révoquer un quelconque militant de l’équipe SUD 92.
En effet, lors des gardes à vue de mai 2014, la Poste et l’État avait essayé de dépeindre les grévistes poursuivis (Gaël, Dalila, Brahim et Mohamed) comme des brutes épaisses s’attaquant violemment à de pauvres vigiles sans défense. Cette fois-ci La Poste a ajusté sa stratégie, les motifs de la révocation sont les suivants : « Intrusions répétées (…) dans plusieurs établissements postaux (…), Prises de parole non-autorisées dans plusieurs établissements de La Poste, (…) Absence d’information préalable des directeurs d’établissement à l’occasion de ses venues. » Bref, si Yann est radié de la fonction publique, c’est pour avoir pris la parole auprès de postierEs de différents centres lors d’une grève. C’est donc le droit des postierEs et des salariéEs à s’exprimer et à s’organiser qui est directement en cause.
La stratégie de lutte est visée
Les syndicalistes SUD du 92 font partie des dernières équipes syndicales à maintenir l’usage des prises de parole : le plus souvent à la prise de service, un ou des militantEs appellent les postiers à se regrouper et prennent la parole. Cela permet non seulement de faire passer un certain nombre d’informations et de messages, mais aussi de créer instantanément un rapport de forces : dès qu’on se regroupe, on se rend compte plus ou moins consciemment qu’on est une force. La prise de parole peut déboucher sur une discussion entre collègues ou sur un débrayage… voilà pourquoi les patrons ne les aiment pas ! Il y a encore 20 ans, ces prises de parole étaient monnaie courante dans les services, elles faisaient partie de l’arsenal de tout syndicaliste qui se respecte. Mais peu à peu, la direction de La Poste est parvenue à interdire dans les faits cet instrument élémentaire de regroupement des salariés.
Les grévistes et les militants du 92 sont parvenus à maintenir cet usage et ont cherché depuis un peu plus de 10 ans à systématiser cette logique de regroupement à l’occasion de différents mouvements de grève : pour surmonter la dispersion des postierEs en de multiples établissements de relativement petite taille, la division entre de multiples statuts et métiers, les assemblées générales et la recherche permanente de l’extension de la grève faisaient de la prise de parole du groupe de grévistes auprès de postierEs d’autres centres un élément clé pour les informer et les appeler à la grève. Lors de la grève de 2014 (173 jours de grève), ce sont des précaires, des CDI, des fonctionnaires, de plusieurs bureaux, de plusieurs métiers, de plusieurs départements qui se sont mobilisés côté à côte. Des actions communes avec les intermittentEs et précaires et avec les cheminotEs avaient été une des clés dans la victoire des grévistes. La stratégie qui cherche à abattre les cloisons entre les travailleurEs : voilà ce que vise La Poste en révoquant Yann et en s’acharnant contre les postierEs du 92.
Se mobiliser contre la répression
Suite à la grève de 2014, la vague répressive n’est pas terminée. Olivier Rosay a écopé de deux ans de mise à pied, Diego Ceccon risque lui aussi une lourde mise à pied ou une mutation d’office, et Gaël Quirante, Stéphanie Le Guen et Mohamed Ziani, tous représentantEs SUD, sont toujours en procédure de licenciement.
Pour stopper la répression, regrouper les équipes militantes visées, à l’échelle de La Poste mais également de l’ensemble des secteurs, est la clé : à travers Yann, c’est le droit d’expression de notre camp social, le droit de grève qui est attaqué. Il faut donc tenter de mobiliser à une large échelle.
Hosea Hudson