Publié le Dimanche 22 janvier 2017 à 07h35.

Quand La Poste casse les postiers

La médiatisation récente de plusieurs suicides a fait connaître à une large échelle ce que subissent les postiers et postières. Le 14 octobre dernier, huit cabinets d’expertise adressaient une lettre ouverte à l’entreprise pour dénoncer l’« aggravation de la pénibilité physique », des « situations de détresse », ou encore la « situation préoccupante du fait de la rapide dégradation de l’état de santé des agents », du fait des « réorganisations permanentes qui réduisent les effectifs et soumettent les agents à des cadences accélérées ».

Depuis plusieurs années, les salariés vivent au rythme de réorganisations incessantes accompagnées de suppressions d’emplois et de fermetures de bureaux. En l’espace de douze ans, ce sont 100 000 emplois qui ont été supprimés. Malgré les discours de l’entreprise sur la baisse du courrier, les agents constatent chaque jour une charge de travail accrue, du fait de la réduction du nombre des facteurs mais aussi d’une augmentation non contestée des « objets suivis » (lettres recommandées, lettres suivies) et des colis suite au développement d’internet. Les tournées des facteurs et factrices ne cessent de s’allonger, les cadences augmentent. Les dépassements horaires non payés deviennent la norme. On ne compte plus les interventions de l’Inspection du travail pour travail dissimulé.

Ces alertes ne sont pas nouvelles. En mai 2010, le syndicat des médecins de La Poste avait rendu public un courrier adressé au PDG qui précisait que La Poste crée « des inaptes physiques et psychiques » et qu’il en résulte des « suicides ou des tentatives de suicides », un taux d'absentéisme pour maladie « qui atteint des seuils sans précédent », « des accidents du travail et des maladies professionnelles en très forte augmentation ». De nombreux suicides de postiers avaient déjà été médiatisées en 2012, ce qui avait accouché d’un accord au titre pompeux de « Qualité de vie au travail », sans aucune mesure concrète pour les personnels.

D’après le syndicat SUD-PTT, le taux d’absentéisme (maladie, accident du travail, etc.) atteindrait 7% pour une moyenne nationale de 4,5 %. Depuis la transformation du statut de La Poste en 2010, les attaques contre les personnels et le service public postal se sont accélérées. Rien d’étonnant donc à de telles conséquences sociales.

 

La direction de La Poste, toujours dans le déni, a annoncé fin 2016 l’« ouverture de négociations » avec les syndicats, pour aboutir à un accord sur les conditions de travail des facteurs et factrices début 2017. Comme en 2012, aucune disposition concrète n’est annoncée. Au contraire, les premières mesures s’inscrivent dans les stratégies de l’entreprise. La direction de La Poste a trouvé un allié dans la Cour des comptes. Son rapport du 13 décembre dernier, dénommé « La Poste : une transformation à accélérer » préconise « une rigueur égale dans la baisse des effectifs et dans la politique salariale »... En trois ans, La Poste a touché près d’un milliard d'euros au titre du CICE, tout en poursuivant la réduction des effectifs. Dans les établissement postaux, on ne voit que CDD, intérimaires, sous-traitants, apprentis ou contrats pro... Dans certains bureaux, il y a plus de précaires que de titulaires !

Plutôt que de répondre aux revendications, la direction use d’une répression féroce contre les personnels et les militants syndicaux, jusqu’à la révocation en 2015 d’un représentant SUD. Les équipes combatives CGT et SUD sont particulièrement ciblées, de nombreux camarades sont exclus de l’entreprise.

Les postiers et postières résistent à ce rouleau compresseur. Il y a des grèves en permanence. L’une de leurs caractéristiques est leur durée, parfois de plusieurs mois. Mais ces résistances restent locales, éparpillées et ne débordent guère les frontières des métiers ou des départements. L’enjeu actuel est d’unifier ces mobilisations. Car n’en doutons pas, seule une mobilisation nationale des postier(e)s pourra stopper ces politiques patronales et faire avancer les revendications des personnels et des usagers.

Séverin Lechelle