Publié le Dimanche 29 mars 2020 à 17h26.

Renault et PSA veulent reprendre la production coûte que coûte au mépris de la vie de tous

Alors que l’épidémie de Covid-19 continue de progresser et que le confinement a été prolongé de deux semaines, PSA et Renault veulent rouvrir leurs sites en France. Dans les CES, les comités économiques et sociaux, réunis en téléconférences vendredi 27 mars, les directions des établissements y ont mis à l’ordre du jour la reprise des activités selon un calendrier plus ou moins rapproché.

À suivre leurs intentions, l’industrie automobile risque de devenir un « cluster » du virus, comme l’ont été l’église évangélique de Mulhouse, les matchs de foot pour l’Italie et l’Espagne, ou bien les concerts et matchs pour l’Angleterre. 

Très officiellement PSA avait annoncé dans la journée de vendredi la mise en place d’un calendrier de reprise… « progressive et sécurisée ». Et PSA détaillait les mesures envisagées pour la permettre : prises de température régulière, le port de masques, le respect d’une distance de sécurité entre les personnes, le maintien des portes ouvertes, le nettoyage régulier des outils et surfaces. 

Une reprise envisagée pour dès le 31 mars 

Les annonces faites dans les CSE ont confirmé cette intention de PSA de rouvrir ses usines le lundi 6 avril avec des retours au poste de travail pour préparer cette reprise dès les jeudi 2 et 3 avril. L’usine de Poissy fait exception avec une réouverture envisagée pour le 13 avril.

Mais c’est dès la semaine prochaine le 31 mars que PSA avait prévu de rouvrir les usines de Valenciennes qui fabrique des boites de vitesse et de Douvrin qui fabrique des moteurs. Cette annonce a été faite le même jour que celui de la prolongation du confinement général ! Voilà qui éclaire le cynisme de la direction de PSA ! 

Cette décision a suscité l’opposition de tous les syndicats représentés au CSE de l’usine et finalement PSA a reporté la date de réouverture. Un succès bien limité car PSA n’a pas renoncé à rouvrir ses usines coûte que coûte pour les salariés et la population, mais un succès tout de même !

Aux salariés de PSA vont s’ajouter ceux et celles de tous les sous-traitants auxquels, dans la continuité de la chaîne d’activités, une reprise de travail sera aussi imposée et là sans contrôle sur les conditions sanitaires. Et tous devraient devoir emprunter des moyens de transport pour se rendre au travail multipliant les possibilités de contagion dans et hors de l’usine.

L’automobile n’est pas une production essentielle. Plus particulièrement, les usines de Douvrin et Valenciennes ne fabriqueront aujourd’hui que des pièces pour l’exportation à destination de la Chine où une activité redémarre et de quelques autres pays du monde où un confinement n’est pas appliqué. Cette reprise ne serait importante qu’au regard du portefeuille financier de la famille Peugeot, et des autres actionnaires. 

Du matériel de protection en pénurie capté pour les usines automobiles ! 

La France est actuellement en situation de pénurie en matériel médical, masques et gants. Le personnel soignant et les employés des commerces, qui eux assurent un besoin essentiel, en sont démunis. Tout le matériel que PSA captera à son seul besoin, tel que c’est précisé dans son communiqué officiel, c’est autant de moins pour les activités réellement essentielles. Toute la population est concernée par une reprise de l’activité de la production de voitures car c’est autant de moins de masques ou de gants pour les plus exposés. 

La production de bagnoles n’est pas indispensable aujourd’hui, cela devient de plus une évidence alors que la pandémie augmente. Qui mieux que les salariés et la majorité de la population peut et doit décider du caractère essentiel d’une production ? En tout cas gouvernement et patrons sont les moins capables de le décider, eux qui ont détruit les productions de masques et de respirateurs indispensables à une simple survie ! 

La complicité de la ministre du travail, qui a déjà osé intimer l’ordre aux salariés du secteur du BTP de continuer à travailler, est avérée. Un « haut conseil scientifique » émet des conseils sur la pratique du jogging et reste silencieux sur la reprise d’activités non essentielles qui mettent en danger santé et vie de ceux et celles qui y sont astreints. Ils concourent à des déplacements inutiles, et captent le matériel de protection indispensable à ceux qui en ont réellement besoin. C’est pourquoi de nombreux médecins sur le terrain alertent sur le danger de la poursuite d’activités non essentielles. 

Pourquoi PSA et Renault osent tout

PSA et Renault osent tout. Et pire que les autres. La préparation de la reprise de leurs activités dans les plus brefs délais n’a même pas l’excuse de la contrainte par la concurrence. Le jour même où PSA voulait faire rependre l’usine de Valenciennes dans les prochains jours, Toyota, à quelques kilomètres de là, dans l’usine d’Onnaing annonçait une date possible de reprise pour le 20 avril au plus tôt. Quant à Volkswagen en Allemagne la date de la reprise de la production en Allemagne est prolongée au plus tôt le 9 avril.

Les tentatives de maintenir et prolonger l’activité de productions automobiles sont plus accentuées en France qu’en Allemagne où pourtant la pandémie est à un stade moins avancé. Il y a un véritable acharnement à vouloir continuer à produire alors qu’il n’y a plus d’acheteurs de voitures dans toute l’Europe confinée

Luc Chatel, l’ancien ministre de l’éducation nationale du temps de Sarkozy, reconverti en chef du lobby la Plate-forme automobile, qui regroupe tout le secteur, a déclaré le 25 mars : « Aujourd’hui, en Europe, 90 % des usines ont fermé, constructeurs et équipementiers confondus. Mais certains fournisseurs, dans la mécanique en particulier, continuent à travailler. Il est essentiel qu’ils puissent livrer des pièces aux donneurs d’ordre dans le monde entier. L’approvisionnement de ces usines doit donc être garanti ».

L’exportation en particulier vers la Chine, qui commence à sortir de la pandémie et les quelques autres pays non confinés, est le seul moyen aujourd’hui pour les firmes capitalistes d’espérer récupérer de l’argent cash. 

Luc Chatel, se comportant en ministre de l’économie bis aux côtes de son ex-collègue Bruno Le Maire, appelle à s’inspirer des « meilleures » pratiques, à faire du benchmark mark dans sa novlangue marketing, appliquées par l’industrie automobile chinoise après le pic de la pandémie. Le despotisme chinois à l’usine érigé en exemple !

Beaucoup s’interrogent sur les raisons qui conduisent Macron à ne jamais employer le mot confinement laissant aux ministres le soin d’édicter toutes les mesures qui s’y rapportent. En fait Macron, en idéologue de la production capitaliste, cherche à empêcher un arrêt général de la production quitte à favoriser les productions inutiles, les stocks de marchandises invendues et la propagation de l’épidémie. Les incantations de Macron ne transformeront pas la population confinée en acheteurs de voitures et la production ne trouvera pas pour autant de débouchés. 

Telle est la réalité de cette pandémie qui casse les ressorts de la production capitaliste fondée sur la possibilité de vendre des marchandises à un prix qui garantisse le profit, ce que ni les dirigeants de PSA et Renault, ni Macron ne peuvent et ne veulent intégrer. À la manière de l’orchestre du Titanic qui continuait à jouer pendant la catastrophe, ils veulent continuer en maniaques de l’ordre à l’usine, continuer à produire. Pas question de couler avec eux ! 

Protester et gagner contre leurs plans immédiats de reprise, c’est possible ! 

Les conditions actuelles du confinement rendent bien sûr l’organisation des protestations difficile. Il n’empêche. L’outil des pétitions en ligne devient un moyen privilégié, à l’exemple de celles lancées à Renault Lardy et à Peugeot Sochaux/Belchamp. Il est possible d’intervenir auprès des délégués syndicaux – toutes confédérations confondues- dans les CSE pour qu’ils votent contre la poursuite ou la reprise d’activités de production non essentielles. Une information peut être partagée grâce à la presse en particulier locale Les alertes données par les médecins peuvent s’amplifier. 

Des reculs et des victoires partielles peuvent être obtenues à l’exemple du report de la date de réouverture de l’usine PSA de Valenciennes obtenu dans les conditions difficiles de ce confinement.  Urgence pour défendre nos vies qui valent plus que leurs profits !