Et voilà que le résultat de l’enquête sur la pollution des véhicules Renault, lancée par la répression des fraudes, filtre dans la presse : comme avant lui le groupe Volkswagen, le groupe Renault est accusé d’utiliser des stratégies de contrôle moteur qui limitent la pollution dans les conditions d’homologation en laboratoire sans se préoccuper des émissions en conditions réelles de fonctionnement.
C’est ainsi que plusieurs véhicules Diesel de Renault émettent dans la rue jusqu’à vingt fois plus de NOx (oxydes d’azote directement toxiques et accroissant la création de particules fines dans l’air saturé des villes) qu’en laboratoire lors de l’homologation.
Beaucoup avaient crié au scandale il y a un an, quand la CGT du centre technique de Lardy avait rendue publique la visite des enquêteurs et dénoncé les politiques de réduction drastique des coûts et des effectifs qui avaient conduit à une telle situation. Comment, des militants ouvriers irresponsables mettaient en cause leur propre entreprise ? « L’expression syndicale, ça se maîtrise », tonnait le secrétaire général de la CFDT. Du côté du gouvernement, la ministre de l’Environnement Ségolène Royal et le ministre de l’Économie Emmanuel Macron affirmaient leur pleine confiance dans la direction de Renault. Les irresponsables, ce ne pouvait être que ces travailleurs qui, en ne respectant pas l’omerta, avaient donné le hoquet au cours en bourse des actions de leur propre entreprise !
Et maintenant qu’il apparaît que la DGCCRF dispose de nombreux éléments alléguant les soupçons de fraudes, ce n’est toujours pas la loi du profit et la course à la rentabilité au mépris de la santé publique et des conditions de travail des salariés qui sont mises en cause. Pas un seul organe de presse ou un politicien pour faire le parallèle entre cette affaire et le milliard d’euros de dividendes que les actionnaires de Renault se partagent grâce aux pressions que Ghosn et ses acolytes exercent tous les jours sur les ouvriers, les techniciens et les ingénieurs, afin qu’ils conçoivent et produisent toujours plus vite et avec moins de moyens.
Avec ces gens-là, Carlos Ghosn peut dormir sur ses deux oreilles, si Renault doit payer la note, la facture sera présentée au personnel, par le blocage des salaires, les heures supplémentaires, voire de nouvelles vagues de suppression d’emplois.
« Patriotisme économique »...
Sans distinction de nationalité, toute l’industrie capitaliste de l’automobile est concernée. Les accusations visant Renault sont un démenti cinglant aux déclarations cocardières de Jean-Luc Mélenchon qui affirmait en septembre 2015 après le scandale Volkswagen : « La triche et la pollution, voilà sur quoi repose le prétendu succès de l’automobile "made in Germany" ! L’arrogance et l’impunité du "made in Germany"doivent cesser »...
Le gouvernement français, encore actionnaire de Renault à hauteur de 20 % de son capital, reste silencieux devant les errements du constructeur dénoncés par sa propre administration. Les exigences du patriotisme économique l’emportent sur les belles paroles de la COP21.
Silence également du côté de la plupart des autres candidats, même lorsqu’ils se piquent d’écologie. En réalité, de Le Pen à Macron en passant par Fillon, ils font leur campagne électorale au nom du « patriotisme économique », clamant qu’il faut être solidaires des patrons français, défendre et promouvoir l’industrie nationale. Autant de cocoricos tellement profitables à Ghosn, Dassault, à la famille Peugeot, à Bouygues et aux autres...
Et les journalistes de s’esclaffer quand Philippe Poutou parle d’interdiction des licenciements ou de s’indigner quand Nathalie Arthaud parle de contrôle ouvrier sur les entreprises : « c’est la "dictature" du prolétariat que vous proposez, quelle horreur ! »
Mais la dictature du patronat, la dictature du fric, ils trouvent ça tellement beau. Bien qu’on en crève sur les chaînes de montage, dans les centres techniques ou en respirant l’air de nos villes...
Correspondant