L’accord prétendument « d’amélioration des conditions de travail des facteurs et de leurs encadrants » vient d’être officialisé, avec les signatures de CFDT, FO, CFDT, CFTC et CGC.
Un retour sur l’origine de cet accord et la mascarade des négociations doit permettre de proposer des axes de mobilisation indispensable, tant les objectifs de la direction de La Poste sont mortifères pour le métier de facteur.
Indéniable crise sociale
La crise sociale médiatisée depuis septembre a contraint les patrons de La Poste, tout en restant dans le déni, à annoncer une initiative. C’est alors que ceux-ci ont sorti de leur poche un projet d’accord censé améliorer les conditions de travail des facteurs. Une première question à se poser : pourquoi ne concerne-t-il que ce secteur de l’entreprise ? Le malaise social ne toucherait que la distribution ? S’il est vrai que les actes les plus visibles de ces derniers mois concerne surtout des facteurs ou factrices, un simple regard sur le taux d’absentéisme dans les autres secteurs montre le contraire !
Si les patrons ont circonscrit les négociations au seul secteur de la distribution, c’est parce qu’ils avaient besoin d’un texte permettant de mettre en place des organisations de travail compatibles avec leur projet de transformer totalement le métier de facteur ! Même dans leur vocabulaire, il ne s’agit plus de facteurs mais de « livreurs ». Pour eux, la tournée matinale du facteur distribuant du courrier et des colis, c’est du passé ! Maintenant, il s’agit de livrer tout et n’importe quoi à n’importe quelle heure. Et tant pis pour les conditions de travail et l’articulation vie professionnelle / vie privée !
Les prétendues avancées des négociations peuvent au mieux être comparées à un plat de lentilles. Ainsi, le doublement des recrutements de facteurs pour 2017 est bien insuffisant. La manière dont cet engagement est présenté par l’entreprise et les signataires est d’ailleurs malhonnête. L’accord prévoit 3 000 recrutements en 2017. Les signataires se flattent de gagner 3 000 emplois. Faux, puisque 15 00 embauches étaient déjà budgétisées ! Plus grave, ce recrutement reste inférieur au nombre de départs. Dans un contexte sanitaire aussi dégradé, comment des organisations syndicales peuvent-elles avaliser de nouvelles suppressions d’emplois ?
Du grand-guignol...
La fin des négociations était prévue mi-décembre. Devant l’absence de suffisamment de signataires, La Poste a été contrainte de poursuivre les discussions et surtout de trouver des petits arrangements entre amis avec certains. En effet, si les directions de certaines organisations syndicales avaient le stylo à la main, il n’en allait pas de même chez leurs équipes. Ainsi, même si la majorité des syndicats territoriaux de Force ouvrière était opposée à la signature, leur secrétaire général a décidé de parapher cet accord de la honte. Selon ses propres propos, ce texte peut-il améliorer les conditions de travail ? Ce n’est pas le sujet, il doit permettre à cette organisation de gagner des voix lors des prochaines élections. Ignoble, mais aussi pari périlleux !
Autre surprise, il y a moins d’un mois, la direction de La Poste indiquait à la presse que le périmètre pris en compte pour juger de la représentativité syndicale sera la branche courrier-colis… Très cohérent puisque cet accord ne concerne que la distribution… Sauf que, petit problème pour ces « stratèges », CGT et Sud sont majoritaires sur cette branche. Sud a immédiatement prononcé son droit d’opposition. La CGT, quant à elle, indiquait qu’elle consultait ses syndiquéEs. Si sa direction semblait bien timide, nombreuses de ses équipes se déclaraient favorables à l’opposition. Pour mettre fin au suspense, la direction a lors décidé de modifier le périmètre, en le portant au niveau du groupe où le tandem Sud-CGT n’est pas majoritaire. L’opposition ne pouvant plus être majoritaire, l’accord est donc avalisé ! Aussi écœurante que soit la manœuvre, elle démontre surtout que la direction n’est pas sûre d’elle. Rien n’est donc perdu !
Place à la riposte !
Face à ce coup de force de La Poste, il est donc urgent de construire une mobilisation à la hauteur des enjeux. Facile à dire, plus difficile à réaliser ; surtout dans un contexte de grande division syndicale. D’ores et déjà, Sud propose à l’ensemble des fédérations syndicales une grève sur l’ensemble de La Poste le jeudi 23 mars. Il ne peut évidemment s’agir que d’une première initiative afin de démontrer que le personnel n’est pas dupe des petites manœuvres patronales. Au-delà du travail de conviction auprès des collègues, cette échéance doit surtout permettre, sur tout le territoire, de rencontrer, de discuter entre toutes les équipes militantes opposées à la casse de la poste et du métier de facteur, que ces équipes soient de fédérations signataires ou non.
Le premier objectif de cette grève pourrait être d’être plus importante que celle du 8 décembre. D’une part, cela démontrerait à la direction et aux signataires que leurs tours de passe-passe ne désarment pas le personnel. Et d’autre part, ce serait un encouragement pour les opposantEs à cet accord à travailler ensemble à la construction d’une mobilisation massive sur l’ensemble des secteurs du groupe.
Bruno Quignard