Publié le Mercredi 7 septembre 2016 à 11h00.

Jacqueline Sauvage : Quelle justice pour les femmes victimes de violences sexistes ?

Après 47 ans de violences conjugales, Jacqueline Sauvage est condamnée en 2012 à 10 ans de prison pour le meurtre non prémédité de son mari après qu’elle a subi un énième passage à tabac. Une peine confirmée en appel, sur des chefs d’inculpation visant à criminaliser les victimes de violences et à nier la notion d’emprise et de domination ainsi que la menace pesant sur sa vie.

Il lui est reproché de n’avoir jamais porté plainte. Or nous savons que sur les plus de 200 000 femmes qui subissent, chaque année, des violences de la part de leur ancien ou actuel partenaire, seules 10 % d’entre elles portent plainte car le système judiciaire ne protège pas les femmes victimes de violences, leur oppose une totale incrédulité, condamne rarement les auteurs de violence et, souvent, les relâche rapidement, malgré les risques de représailles sur la femme ayant déposé plainte. De plus, les femmes battues ne peuvent souvent pas s’enfuir, subissant des menaces, vivant dans un état de soumission et de terreur permanent et souvent subordonnées financièrement.

Lors de ses procès, Jacqueline Sauvage a plaidé la légitime défense, notion de droit dégageant de toute responsabilité pénale et recouvrant des actes « proportionnés, nécessaires et concomitants à l’agression ». La légitime défense n’a été retenue à aucun de ses deux procès car sa riposte n’aurait pas été « immédiate »...

Légitime défense différée

Compte tenu des 134 victimes de féminicide dénombrées l’année dernière, le sentiment de danger de mort imminent est avérée et doit être pris en compte juridiquement. Il devient urgent de redéfinir la légitime défense, une femme victime de violences sexistes étant toujours en état de légitime défense. Un projet de loi est en préparation afin d’intégrer à l’arsenal juridique la notion de légitime défense « différée » ou de « présomption de légitime défense » qui prendrait en considération les rapports antérieurs existants entre l’auteur et la victime, et de ce fait la mise en danger permanente de la vie des femmes battues.

Les institutions ne font pas de l’assistance aux femmes battues une priorité : Jacqueline Sauvage s’est retrouvée 4 fois aux urgences, a tenté de se suicider, des plaintes de ses voisins déposées, sans que cela n’alerte les autorités. Et malgré les multiples mobilisations féministes et la grâce partielle accordée par Hollande, sa liberté anticipée a été rejetée.

Il faut donc se battre pour sa relaxe, mais également pour la reconnaissance du féminicide et de la légitime défense différée, ainsi que pour un meilleur système de prise en charge des victimes, pour une éducation et une prévention contre les violences sexistes et le système patriarcal qui les cautionne, afin que plus aucune femme n’ait à subir ce supplice.

Sophie Rennes

 

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