En 1972, la comédienne Maria Schneider a été violée lors du tournage du film Un dernier tango à Paris. Le réalisateur Bertolucci ne s’en cache d’ailleurs pas. L’idée de la sodomie avec du beurre leur est venue, à Marlon Brando et à lui, lors du petit-déjeuner, le matin même : « La chose un peu atroce c’est que moi et aussi Marlon nous n’avons rien dit à Maria de ce qui allait se passer. Je voulais avoir sa réaction pas d’actrice mais de jeune femme… elle hurle, elle dit “non arrête !!!” et elle était blessée », a expliqué quarante ans plus tard Bertolucci. La vie et la dignité de cette jeune fille de 19 ans valaient donc moins que l’image de ses véritables larmes à la caméra.
La Cinémathèque de Paris, qui devait projeter le film dans le cadre d’une rétrospective Marlon Brando, y a finalement renoncé. On se dit alors Ouf ! Ils ont pris conscience, comme l’a rappelé le Syndicat français des artistes interprètes (SFA-CGT) que « filmer et diffuser un viol reste répréhensible ». Ou peut-être ont-ils eu un peu d’empathie pour toutes ces comédiennes inconnues, dont la carrière a parfois été encore moins longue que celle de Maria Schneider, parce qu’elles aussi ont été aussitôt brisées par la violence des hommes ?
Que nenni ! Voilà comment Frédéric Bonnaud, le directeur de la Cinémathèque, a justifié la déprogrammation : « Des gens violents commençaient à s’annoncer, et maintenir cette projection précédée d’un débat devenait un risque tout à fait disproportionné. Tant pis ! » Il est donc « violent » de s’opposer à la diffusion d’un viol.
Rappelons qu’il a quand même fallu attendre les témoignages d’Adèle Haenel et de Judith Godrèche pour que le monde du cinéma arrête de trouver ça charmant et romantique que des hommes adultes soient « en couple » avec des filles de 13 ans.
On le sait, tout acte qui s’oppose à l’ordre existant est décrit par les défenseurs de cet ordre comme un acte de violence. Et plus nous serons nombreuses à refuser leur ordre, plus ils nous trouveront violentes. Appeler un viol un viol, ce n’est pas être violente, c’est tenter de regagner par les mots la dignité que le silence nous ôte.