Publié le Mercredi 20 novembre 2019 à 15h56.

La question des violences comme catalyseur

Nous avons pu voir ces dernières années, à une échelle internationale et de masse, le mouvement féministe revendiquer la fin des violences contre les femmes. Si ce mot d’ordre ne date pas d’hier, jamais la question de la lutte contre les violences n’aura été porteuse d’une révolte de cette ampleur.

Les violences sont partout

Les violences que subissent les femmes, mais aussi à d’autres degrés les personnes LGBTI, se retrouvent partout dans la société. Elles vont de la violence « symbolique » au meurtre, en passant par le harcèlement ou le viol. Ce continuum de la violence permet bien de comprendre à quel point il fait partie d’une construction de genre (c’est-à-dire de l’éducation), pour les hommes à les commettre pour maintenir un pouvoir, et pour les femmes à accepter – du moins en partie – de les subir. La plupart de ces violences font partie de notre quotidien : elles surviennent dans la famille, au boulot, entre amis, à l’école, dans la rue...

Si les violences les plus graves sont en partie socialement condamnées (d’un point de vue légal : le viol, le féminicide ou le harcèlement sont passibles de peines d’emprisonnement), elles sont souvent déconnectées du système global. Ces faits de violences sont vus comme isolés et ils empêchent la compréhension de l’utilité de la violence pour le système. Car il ne fait pas que l’engendrer, elle lui sert. Cette violence constante est ce qui permet la domination globale sur les femmes dans l’ensemble des cadres sociaux, mais en particulier dans le cadre familial, dont la conséquence est de faire perdurer l’assignation au travail reproductif.

Une lutte anticapitaliste

Le #MeToo, il y a maintenant deux ans, avait permis d’afficher cela, montrer à une échelle de masse cette violence systémique, c’est-à-dire qu’elle n’est pas l’œuvre de fous dangereux. Elle frappe chaque femme et est commise par la société dans son ensemble.

Il n’est pas étonnant que la revendication de la fin des violences intervienne au cœur de la crise du système capitaliste, non pas pour dire que ces violences augmenteraient, même si c’est une possibilité, mais bien parce qu’en temps de crise, c’est aussi le discours idéologique dominant qui se fissure. La lutte contre les violences est profondément une lutte anticapitaliste : il est bien sûr possible d’avoir une amélioration des conditions matérielles des femmes, mais la fin des violences nécessite la construction d’un autre système, permettant de mutualiser le travail reproductif, de construire d’autres types de familles, etc.

Les violences sont économiques

La violence à l’encontre des femmes ne se limite pas à une violence physique ou symbolique, elle est aussi une violence économique. Les femmes occupent 80 % des temps partiels, ce qui veut dire concrètement qu’elles sont abonnées à la précarité et aux bas salaires, alors que l’on sait que le nombre de foyers monoparentaux augmente, et qu’il sont très majoritairement composés de mères isolées. Les conditions de travail ont des conséquences physiques et psychologiques graves. L’accélération de la crise a eu des conséquences dramatiques pour les femmes : diminution des allocations, casse des services publics, fermeture des maternités, baisse des minimas sociaux,... C’est ce qui a été pointé par le mouvement des Gilets jaunes.

Revendiquer le droit à l’autonomie pour toutes les femmes

Aujourd’hui, le mouvement féministe en France concentre ses revendications autour du fait de punir ces violences, soit la fin de l’impunité. C’est un fait : moins de 1 % des plaintes pour faits de violences sont sanctionnées par une peine d’emprisonnement1. La volonté de mettre les agresseurs en prison est légitime, car cette impunité est un fait social. Cependant, elle ne résout rien : la prison n’est pas dissuasive et elle ne permet pas de modifier un comportement. Elle n’a qu’une seule fin, celle d’être répressive. Ce discours est d’ailleurs largement utilisé par le gouvernement Macron.

Dans nombre de cas de violence, le principal reste le besoin d’autonomie des femmes : l’accès à des ressources pour s’extirper de la violence. L’acceptation de la violence ne se situe pas au niveau idéologique, l’emprise n’est pas uniquement d’ordre psychologique, elle a des conditions matérielles. C’est donc bien l’augmentation massive des salaires, le droit au logement, la fin des contrats précaires, la réduction du temps de travail, mais aussi l’interdiction des licenciements qui sont au cœur de la lutte contre les violences. Même si cela ne s’oppose pas à mettre de l’argent dans les services publics et en particulier dans l’éducation pour proposer une éducation non sexiste, augmenter les places dans les foyers ou financer les associations féministes de terrain à hauteur des besoins.

 

  • 1. Louise Fessard et Donatien Huet, « En France, les condamnations pour viol chutent, alors que les plaintes augmentent », Mediapart, 13 octobre 2018.