Publié le Jeudi 24 septembre 2020 à 18h41.

Nos corps, nos choix : nous ne sommes pas un débat

À la suite d’une vague de harcèlement misogyne à l’encontre d’une femme qui a montré ses poils sur Twitter, nous avons été nombreuses à apporter notre soutien en publiant des photos avec nos poils sur le #JeGardeMesPoils. Plusieurs médias ont alors utilisé ces photos sans notre accord, notamment pour une émission télévisée : Touche pas à mon poste sur la chaîne C8. Dans un premier temps, les chroniqueurs et chroniqueuses étaient amené·es à répondre à la question «  Le mouvement   #JeGardeMesPoils : J’aime / J’aime pas ? », à l’aide de pancartes « Oui » ou « Non » et devaient expliquer leur choix.

Si les chroniqueuses prenant la parole n’ont esquissé que des arguments allant à l’encontre de l’émancipation des femmes ( les poils ne seraient pas « à la mode », la lutte féministe pour le contrôle des femmes sur leur corps serait « anecdotique »…), l’émission est même allée jusqu’à demander l’avis des téléspectateurs et téléspectatrices via un sondage. Autrement dit, toutes ces personnes se sont senties légitimes à donner leur avis sur ce que les femmes font de leurs corps, en s'appropriant leurs photos tronquées des messages qui les accompagnaient, et sans les laisser prendre la parole sur le plateau. Quel bel exemple pour montrer comment la société s’intéresse plus au physique des femmes qu’à ce qu’elles pensent et disent ! Au-delà des moqueries et de la vague de harcèlement sur Twitter suite à ces évènements, imaginez notre sentiment quand nos aisselles, affichées sur le plateau sans notre consentement, deviennent un débat national sur une émission de télévision à grande audience.

Ne pas s’épiler ou se raser lorsque l’on est perçue par la société comme une femme constitue une déviance aux normes de beautés mais surtout une déviance vis à vis des normes de genre. Dès l’enfance, le corps d’une femme est mis sous contrôle et sexualisé : il se doit d’être beau, séduisant, jeune (d’où l’épilation). Pour reprendre les mots de Virginie Despentes « Les hommes n’ont pas de corps », mais les femmes oui, et elles sont d’ailleurs toujours réduites à celui-ci. Cela signifie que que le corps des hommes importe moins que leurs idées, et que le système de domination masculine passe par l'invisibilisation des idées des femmes et l'objectification de leur corps.

Lorsque l'on voit les débats publics et les pressions que les femmes subissent via la société et la publicité, sur la pilosité et plus généralement ce qu'elles doivent ou non faire de leur corps (sexualité, maternité, chirurgie, mode…), on se rend compte que le corps des femmes ne leur appartient pas. Aller à l’encontre de ces normes constitue des stratégies de réappropriation de nos propres corps. Ce n’est pas anecdotique et c'est nécessaire pour que toutes les femmes puissent s'émanciper du système patriarcal. Pour finir, nous tenions à repartager les messages qui accompagnait les photos sur le #JeGardeMesPoils qui ont été soigneusement évincé : « Je garde mes poils parce que mon corps m’appartient, parce que c’est inadmissible qu’une femme soit harcelée pour les avoir montrés, et surtout parce qu’on est pas là pour vous plaire.»