Qu’est-ce que le travail reproductif ? Dans la tradition féministe marxiste de la théorie de la reproduction sociale (TRS), le travail reproductif est le travail de production et de reproduction de la vie même, c’est-à-dire des êtres humains. Il assure la production des futurs travailleurEs par la procréation et l’éducation des enfants ; il assure la reproduction des travailleurEs par le soin quotidien qui leur est apporté, tant en termes matériels (maison, nourriture, repos) qu’émotionnels (soins psychologiques, affection). Ce travail spécifique a été et demeure encore très majoritairement effectué par les femmes, et il constitue la base matérielle de leur domination.
Production et reproduction de la force de travail
La reproduction est centrale dans l’ensemble des sociétés, et en particulier dans les sociétés capitalistes. En effet, que produit-on lorsqu’on produit des travailleurEs ? Ni plus ni moins que la force de travail, qui selon Marx, est la seule marchandise productrice de survaleur. Ainsi, en termes marxistes, le travail reproductif est le travail qui assure la production et la reproduction de la force de travail, et ce à un double niveau, au niveau quotidien et au niveau générationnel. Il garantit donc la stabilité du système capitaliste par la production continue d’une force de travail apte à produire la survaleur, au fondement du profit capitaliste. Si bien qu’il faut comprendre ici le terme de « reproduction » dans un double sens, à la fois reproduction de la force de travail, et reproduction du système social.
Néanmoins, contrairement au travail productif salarié, le travail reproductif ne produit pas directement de survaleur dans le cadre de la famille. En effet, ce n’est pas un travail producteur de valeur d’échange et de survaleur car il est effectué gratuitement, hors du marché, il ne prend pas la forme de marchandise, et n’a donc qu’une valeur d’usage. Cela ne change rien à son caractère central, dans la mesure où de lui dépend indirectement la production de la survaleur. Il est donc central au système capitaliste.
Des secteurs en lutte
Le fait de penser cette forme de travail en fonction de son rôle dans le système capitaliste (produire et reproduire la force de travail) permet également de voir que, s’il s’effectue encore majoritairement hors des lieux de travail, dans le cadre de la famille, d’autres lieux sont tout autant centraux dans la production et la reproduction de la force de travail, comme par exemple les cantines, les crèches, les hôpitaux, ou les écoles. Une évolution récente du travail reproductif est sa « marchandisation » accrue : il entre de plus en plus dans la sphère salariée avec le développement du tertiaire et des services à la personne. Même si dans ce cadre, le travail reproductif peut connaître une forme de dégenrement, et être assuré par des hommes, on constate que les services à la personne demeurent majoritairement effectués par les femmes de classes populaires (car relevant de compétences construites socialement comme féminines), et parmi elles, nombre de femmes racisées. Or, il s’avère que ces secteurs sont précisément ceux qui connaissent un dynamisme fort en termes de lutte en France ces dernières années, avec des grèves victorieuses, comme la grève du nettoyage à Onet ou aux Holiday Inn, ou on l’espère, sur le point de la remporter, comme la grève d’Ibis.