Publié le Mercredi 8 janvier 2025 à 12h52.

Entretien « La grève des Penn Sardin était un événement marquant qui méritait d’être célébré»

À l’occasion de la manifestation de Douarnenez du 4 janvier 2025, l’Anticapitaliste a rencontré Monique Prévost, militante de longue date, notamment au Planning familial, qui a été à l’initiative de la manifestation.

Le Planning familial et la manifestation du 4 janvier, comment les deux s’articulent ?

Il y a quinze ans, j’ai participé à la création du Planning familial à Douarnenez... Avant cela, de 2001 à 2008, j’ai été maire de la ville. À la suite des déclarations clivantes de la maire actuelle, j’ai fait partie des quelques personnes qui ont considéré que la grève des Penn Sardin était un événement marquant qui méritait d’être célébré, pour faire connaître cet épisode, pour en faire un socle commun en lien avec notre territoire. Le Planning familial a commencé avec un quizz sur la grève et l’évolution des droits des femmes en un siècle.

Comment vous êtes-vous ­organiséEs ?

Nous avons commencé avec deux personnes et Emglev bro Douarnenez, à l’origine d’un parcours touristique et culturel imaginé par l’association, qui valorise la langue et la culture bretonnes, avec l’illustratrice Marianne Larvol et en partenariat avec l’Office de tourisme. De grands collages, de trois mètres sur deux, dispersés dans toute la ville évoquent l’histoire de la grève et les grévistes.

Nous avons alors appelé à une réunion publique et, devant l’engouement suscité, nous avons créé le collectif « Pemp real a vo » ! qui a ensuite organisé différents événements pour célébrer les cent ans de la grève. Nous avons opté pour le cadre d’un collectif que nous avons balisé par la signature d’une charte permettant à celles et ceux qui le souhaitent de s’engager sur leurs propres projets dans le respect des autres partenaires. Ainsi, nous avons mis en place, entre autres, une conférence hebdomadaire pendant sept semaines, durée de la grève des sardinières, le défilé de la foule chantante1, et la manifestation féministe du 4 janvier.

Célébration, inspiration, exemplarité…

On a analysé les raisons du succès de la grève, des leçons applicables actuellement. Ce qui a été fait, on y croit, si on se met ensemble, on peut le faire ! Des liens ont aussi été établis, notamment lors d’une conférence, avec une expérience bolivienne de lutte des femmes de mineurs en grève dans les années 1970 : elles ont commencé à 4 une grève de la faim en soutien à leurs maris grévistes et ont grossi les rangs jusqu’à être un millier, et la dictature a cédé...

La lutte des Penn Sardin donne de la confiance : elles ont pu, il n’y a pas de raison qu’on n’y arrive pas ! Parmi les choses qui ont permis leur succès : les grévistes ont été soutenues à un très haut niveau par la CGT-U, le maire, le PCF ; le soutien des marins pêcheurs a été déterminant, qui ne sont sortis en mer que pour répondre aux besoins de la population ; l’organisation de soupes populaires, et le lien avec les paysans qui ont apporté de la nourriture.

Et aujourd’hui ?

Il y a toujours des sardinières, dans des usines hors de la ville. Elles ont d’ailleurs fait grève au mois de mars ! Les sections syndicales ont été un peu en sommeil, si bien qu’on a eu des difficultés à établir un partage avec elles lors des conférences, mais la CGT s’est remobilisée chez Chancerelle et des syndicalistes participeront à la dernière conférence du cycle, le 11 janvier. Certaines ont participé à la Foule chantante, et la déléguée CGT de l’union locale a pris la parole avant la marche féministe du samedi 4. 

On compte aussi sur la table ronde du 4 janvier, avec Tiphaine Guéret, autrice du livre Écoutez gronder leur colère ! 2, construit sur des témoignages sur les conditions de travail actuelles chez Chancerelle, et de Liza Le Tonquer qui y a tourné un documentaire, en présence de Marine Gonidec, dont le mémoire de sociologie porte sur les conditions de travail en interim3.

À suivre ?

On a réussi le pari d’une certaine unité : nous sommes principalement des gens de gauche, mais nous avons associé des commerçants, l’Office de tourisme. La mairie, de droite, a dû prendre le train en marche. En avril, nous allons célébrer l’élection de Joséphine Pencalet, première femme élue dans un conseil municipal, plus tard lâchée par le PCF.

Il est probable que notre démarche aura une répercussion politique, 2026 n’est pas loin, mais la charte qui nous réunit ne permet pas que certains se mettent en avant, cette répercussion n’a donc pas lieu dans le cadre du collectif... Au niveau social, c’est contrasté : la fermeture de Saupiquet s’est faite sans le moindre mouvement, mais les sardinières ont débrayé en mars, et tout le monde se dit qu’un appel syndical dans les conserveries actuelles serait suivi d’effet.

 

 

  • 1. Le 23 novembre, plusieurs centaines de personnes ont défilé dans les rues de Douarnenez en chantant.
  • 2. Voir chronique en page 7 (ou sur le site).
  • 3. Voir chronique en page 7 (ou sur le site).