Le vendredi 21 novembre 1924, le travail cesse à l’usine Carnaud. La grève se répand très vite, et dès le 25 toutes les sardineries de Douarnenez sont à l’arrêt ! Un seul cri retentit dans la ville : « Pemp real a vo ! » (Cinq réaux1 ce sera !). Jusqu’au 6 janvier 1925, date de la victoire sans appel des sardinières, on entendra résonner le bruit de leurs sabots, de leurs chants, parcourant les rues lors de leurs manifestations quotidiennes : l’Internationale bien entendu mais aussi Saluez riches heureux, un chant ouvrier très populaire.
Une belle grève de femmes
Tous les ingrédients d’une explosion sont réunis : le travail des femmes, sans horaires, sans limites à leur exploitation, tant qu’il y a du poisson, et le poisson il arrive avec la marée, il faut travailler ! Travailler, ça consiste à éviscérer les sardines, dans le froid humide de la pointe bretonne, les pieds sur la terre battue.
Tout ça pour 80 centimes ! Le travail des enfants, aussi, autorisé à partir de 12 ans, mais qui commence en réalité beaucoup plus tôt, et les enfants de dix ans sont cachéEs lors des — rares — contrôles. Le comité de grève, composé pour moitié de femmes grévistes. Le soutien sans faille des marins pêcheurs, souvent eux-mêmes mari, père, frère, de sardinières ! L’engagement du maire, Daniel Le Flanchec, et de sa municipalité, communiste. Le concours massif du PCF et de la CGT-U, qui envoient sur place Marcel Cachin, Charles Tillon, et surtout Lucie Colliard. C’est elle qui parle d’une « belle grève de femmes »2 ! Sans oublier les patrons mafieux, prêts à tout, engageant des hommes de main pour briser la grève, dont les exactions — pistolet en main, manquant de peu de tuer le maire et son neveu — précipitent le dénouement en faveur des grévistes !
Et une victoire !
Les sardinières obtiennent un franc ! 1 franc pour les femmes et 1 franc 50 pour les hommes, majoré de 50 % au-delà de 10 heures consécutives et en cas de travail de nuit. Elles ne sont pas inquiétées pour faits de grève. Dans l’année qui suit, l’accord de Douarnenez est généralisé à presque toutes les conserveries de Bretagne, non sans luttes.
Parmi les conséquences politiques de la grève, l’élection de Joséphine Pencalet, sardinière gréviste, sur la liste PCF aux municipales de 19253 .
- 1. Soit 1,25 franc
- 2. C’est d’abord le titre d’une brochure éditée par Lucie Colliard, puis d’un petit livre chez Libertalia et chroniqué dans nos colonnes. https://lanticapitaliste…
- 3. https://npa-lanticapital…