Émancipation des travailleurs... Pour fêter les 150 ans de la Première Internationale, une rencontre a eu lieu du 13 au 15 juin à Nancy, au cœur des grèves cheminotes dans une défiance profonde envers le Parti socialiste. Priorité à la grève !
«Jésus ne pouvait pas, c’est Marx qui est venu » : telle est la dernière réplique de la farce de la compagnie L’Autre scène, adaptée de la pièce d’Howard Zinn, une farce présentée à l’occasion de ces 150 ans de la Première Internationale. C’est la chorale des Sans Noms qui est à l’initiative de cette anniversaire de l’AIT, l’Association Internationale des Travailleurs dont ont fait partie Marx ou Bakounine.Manu, membre des Sans Noms, raconte : « Ça rentre en résonance avec les débats de l’extrême gauche. L’AIT fut la première force politique dans le camp prolétarien et sans donner prise au stalinisme et aux querelles qui suivirent. » À cela s’ajoute une donnée fondamentale que l’historien Mathieu Léonard rappellera, la création des caisses de grève. L’AIT fut fondée en 1864, et trois ans plus tard, des caisses modestes soutiennent les combats d’autres secteurs. Cela dit elle restera « Une grande âme dans un petit corps », comme le disait Charles Rappoport.
Paroles ouvrières... et chansons !« L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux mêmes ». Qui mesure l’importance du slogan moins d’un siècle après la révolution française ?Pour Mathieu Léonard, cette organisation fut d’une grande fraîcheur. « Elle répond à une nécessité, celle des travailleurs à prendre la parole » Le besoin de s’associer a contribué à sa fondation. « J’ai un attachement particulier à Eugène Varlin qui fut tout le contraire d’un chef, et le modèle d’un organisateur ». À côté d’Hubert Truxler, alias Marcel Durand, ouvrier chez Peugeot, Jean-Marc Rouillan explique aussi sa venue : « Je maintiens mon passé vivant pour participer au futur. J’ai eu une chance dans ma vie : avoir seize ans en 68 ! » La parole ouvrière fut donc au cœur de cette rencontre. Anne Mathieu organisa une table ronde sur l’histoire du syndicalisme, et si la grève lui faucha ses intervenants, elle trouva une relève conséquente avec les intermittents ou les cheminots. Hasard de l’histoire, ce furent des chorales révolutionnaires venues de Marseille, de Londres ou encore de Manheim qui chantèrent l’Internationale, avant qu’une femme, seule, impérieuse, n’entame un chant arabe de Cheik Imam, Chayed Kousourak, un hymne repris de la place Tahrir à Marrakech. Comme quoi l’Internationale passe un peu plus au Sud aujourd’hui. Elle reste ce grand mouvement de fraternité célébré souvent par la chanson, entre les hommes d’une même condition et autour d’une souffrance : le travail.
Christophe Goby