Le 6 novembre, la coalition gouvernementale composée du SPD, des Verts et du FDP a éclaté. Cette rupture n’a pas été une surprise, car les trois partis défendent des concepts totalement différents pour faire face à la crise économique.
La crise capitaliste mondiale a pris une forme particulièrement aiguë en Allemagne. D’abord, la guerre en Ukraine a fait grimper les prix de l’énergie plus que dans la plupart des autres économies. Cela affecte fortement les salariéEs, mais également le capital opérant en Allemagne plus que dans de nombreux autres pays. Ensuite, l’État allemand – et non le capital ! – supporte une grande partie des charges liées au soutien militaire et économique de l’Ukraine, ce qui réduit la marge de manœuvre du gouvernement allemand pour atténuer les conséquences de la crise économique. Enfin, la crise mondiale de l’industrie automobile, qui revêt une importance capitale pour l’économie allemande, est actuellement le facteur le plus grave.
Aggravation de la crise économique
Dans ce contexte, la question s’est posée pour le gouvernement de savoir comment réagir à la récente aggravation de la crise économique. Il y a quelques semaines, Volkswagen a annoncé une réduction importante de la production automobile en Allemagne. Trois usines sur dix doivent être fermées, des dizaines de milliers de personnes doivent être licenciées, les salaires doivent être réduits de 10 %pour tous les employés de Volkswagen, etc. Le FDP et la CDU veulent un « tournant économique », c’est-à-dire une attaque renforcée contre le niveau de vie des salariéEs (démantèlement des systèmes de Sécurité sociale, restrictions du droit de grève, etc.). Le SPD veut soutenir l’industrie avec des moyens importants de l’État : en plafonnant les tarifs de réseau pour l’industrie, introduisant des primes à l’investissement, en renforçant les amortissements fiscaux, en subventionnant l’industrie automobile avec des primes d’achat pour les voitures électriques. Tout cela suppose une intervention massive de l’État pour laquelle il faut lever le « frein à l’endettement ».
Le prochain gouvernement sera dirigé par la CDU
Or, jusqu’à présent, les chrétiens-démocrates exigent encore le respect du « frein à l’endettement », mais lorsqu’ils seront bientôt à la tête du gouvernement, la CDU empruntera elle aussi davantage et – au moins – assouplira le « frein à l’endettement ». Dans le même temps, les attaques contre les acquis sociaux et les droits de la classe ouvrière s’intensifieront : en matière de retraite, de droit de grève, de soins de santé, etc. Ce faisant, elle peut s’inscrire dans la continuité de ce que le gouvernement actuel a déjà fait et n’a qu’à le poursuivre de manière conséquente.
La date des nouvelles élections (en janvier ou en mars) sera décidée dans les prochains jours. Le résultat sera un gouvernement dirigé par les chrétiens-démocrates, soit dans le cadre d’une coalition avec le SPD ou les Verts, soit avec les deux.
Il y aura un nouveau renforcement du parti d’extrême droite AfD, qui fait pression pour la fermeture des frontières vis-à-vis des réfugiéEs, renforçant ainsi le racisme qui sévit au sein de la population. Son refus de livrer des armes à l’Ukraine bénéficie également d’un grand soutien au sein de la population. Le BSW (Bündnis Sahra Wagenknecht), la scission de droite de Die Linke, pourrait sortir renforcé des élections. Il est certain que Die Linke aura de grandes difficultés à entrer au Bundestag (il lui faut 5 % des voix ou au moins trois mandats directs). Le parti est en proie à une profonde crise organisationnelle et politique.
Il n’y a pas d’alternative à gauche du parti réformiste Die Linke, si l’on excepte des mini-groupes qui n’ont aucune résonance sociale. La bureaucratie syndicale soutiendra – bien que seulement d’une façon indirecte – le SPD et ne profitera en aucun cas de la crise pour se battre pour une reconversion de l’industrie automobile.
Jakob Schäfer