Les ondes de choc du Brexit sont loin d’avoir fini d’impacter la société britannique. Si les deux principaux partis (conservateur et travailliste) ont été sérieusement secoués, l’avenir n’est nullement écrit dans le marbre. Le mouvement social et l’ensemble de la gauche réussiront-ils à profiter de l’instabilité et à peser dans les mois à venir ?
Le Parti conservateur, fortement divisé pendant le référendum, a retrouvé un semblant de sérénité après l’explosion en plein vol du camp pro-Brexit. La mission de la nouvelle Première ministre, Theresa May, une anti-Brexit mais néanmoins eurosceptique, sera de jouer l’apaisement. Mais avec la perspective de longues et épineuses négociations avec l’Union européenne et la possibilité d’un nouveau référendum sur l’indépendance de l’Écosse, le ciel est loin d’être au beau fixe pour les conservateurs.
Crise du Parti travailliste
Depuis l’élection de Corbyn à la tête du parti en 2015, la grande majorité des députés travaillistes (héritiers des années Blair) attendaient le moment pour pouvoir le déloger. Prétextant la « tiédeur » de Corbyn dans la campagne pour rester dans l’UE, ils se sont lancés à l’assaut, avec d’abord la démission groupée d’une vingtaine de membres de son cabinet fantôme et un vote majoritaire de censure, puis en nourrissant une campagne médiatique d’une grande violence.
Ils ont sans doute pensé que cela suffirait pour que Corbyn jette l’éponge. Mais s’appuyant sur son élection très majoritaire par les membres et affiliés du parti, il refuse de partir et passe à l’offensive, ce qui a encouragé des manifestations pour le soutenir et des adhésions massives au parti. 100 000 auraient adhéré depuis le référendum pour atteindre aujourd’hui plus de 550 000 membres. Le nombre le plus élevé depuis les années 1970.
Depuis, les députés blairistes et l’appareil du parti multiplient les manœuvres bureaucratiques pour le battre : tentative de l’écarter de la prochaine élection, interdiction de voter pour les membres récents, et une augmentation (pour les sympathisantEs) de la somme à payer pour participer à l’élection, de 4 euros en 2015 à 40 euros…
Des espaces pour la gauche
Il y a un an, la campagne très à gauche de Corbyn avait mobilisé des centaines de milliers de personnes, politisé une nouvelle génération et galvanisé d’anciens membres et sympathisantEs. Le même scénario risque de se reproduire avec cette fois une éventuelle scission par les droitiers en cas d’échec, aidés en cela par les riches donateurs au Labour dans le monde des affaires.
Il y a un an, une partie de l’électorat populaire de l’UKIP a commencé à être attirée par le discours de Corbyn et l’alternative qu’il présentait face à la politique des deux grands partis pro-système. Mais tout n’est pas simple. La décision de Corbyn (pour des raisons de tactique interne au parti) de voter pour rester dans l’UE lui a enlevé sans doute une occasion de s’adresser à ces électeurs anti-système et de les détourner des sirènes racistes de l’UKIP. D’autre part, une partie de l’entourage et des soutiens de Corbyn a tendance à mettre l’accent sur l’importance de gagner les élections en 2020. Autant la gauche radicale ne peut que se réjouir des prises de positions antiracistes, anti-austérité et antiguerre de Corbyn et doit le défendre contre les sociaux-libéraux, autant attendre 2020 serait une erreur. C’est dès maintenant que les mobilisations dans la rue et dans les entreprises doivent changer le cours des choses.
Riposter à la droite raciste et réactionnaire
La campagne nauséabonde de la droite raciste pro-Brexit a certes laissé des traces avec une augmentation importante des agressions et des insultes anti-migrants et islamophobes. Mais cette droite (et extrême droite) ne sort pas de sa victoire avec la confiance ou la cohésion que certains lui avaient prédit. Plus important, les signes d’une résistance, signes déjà présents pendant la campagne, continuent à se manifester. Avant le référendum, le convoi de soutien humanitaire mais très politique aux réfugiéEs de Calais organisé par la gauche radicale et d’importants syndicats, avait surpris par sa taille et sa détermination.
Depuis, en plus des soutiens à Corbyn, des manifestations « spontanées » de milliers de personnes en solidarité avec celles de Black lives matter aux USA ont été impulsées par les victimes du racisme en Grande-Bretagne dans plusieurs villes britanniques. Puis le 16 juillet dernier, à l’appel de Stand up to racism et de People’s Assembly, 10 000 personnes ont manifesté à Londres contre l’austérité et le racisme.
Dans les mois à venir, les occasions ne manqueront pas de manifester sa colère. Qu’ils aient voté pour ou contre le Brexit, la gauche radicale et les soutiens de Corbyn auront un rôle important à jouer dans la construction des mobilisation unitaires nécessaires.
Ross Harrold