Publié le Mercredi 13 novembre 2019 à 16h59.

Après les élections, un gouvernement faible, une droite forte, une Espagne en crise

Pedro Sanchez, le leader du Parti Socialiste Espagnol (PSOE) et chef du gouvernement en place avait provoqué de nouvelles élections législatives dans toute l’Espagne, espérant en obtenir une majorité plus stable au détriment de Podemos à sa gauche, de Ciudadanos à sa droite et des forces indépendantistes en Catalogne.

Le verdict des quatrièmes élections générales en quatre ans est clair : Avec une forte abstention (6% de plus que lors des élections d’avril), le PSOE perd sa majorité absolue au Sénat et 700 000 voix au Congrès (chambre des députés). Avec 28% des exprimés il ne parvient, qu’à maintenir son nombre de députés. Podemos (12,8% au lieu de 14,3%) recule mais nettement moins qu’annoncé et les partis indépendantistes catalans (40,5% en Catalogne) progressent. Certes Ciudadanos s’effondre (6,8% au lieu de 15,7%) mais c’est au profit du parti historique de la droite espagnole, le PP (20,8% au lieu de 16,7%°) et surtout de « Vox » le parti d’extrême droite qui passe de 10 à 15% et double son nombre de sièges de députés.

Sauf en Catalogne, la manœuvre politicienne de Pedro Sanchez a abouti à un renforcement de la droite et à une durable institutionnalisation de l’extrême droite

Ces résultats reflètent bien la courte campagne électorale qui vient de s’achever. Une lassitude ou un désintérêt d’une partie importante de la population et une campagne complètement polarisée par la question catalane où le PSOE a multiplié les déclarations et les mesures autoritaires et où les partis de droite n’ont cessé de surenchérir contre le mouvement et les partis catalans. Le grand bénéficiaire de ce déballage « espagnoliste » a logiquement été le plus radical sur ce terrain : Vox. Ce parti, dont les leaders proviennent du PP, ajoutant un discours à peine voilé de nostalgie du franquisme et ouvertement anti immigrés.

Paradoxalement le fractionnement politique de l’État Espagnol joint à son système électoral font que c’est vraisemblablement un gouvernement « de gauche » qui sera désigné à la fin du processus parlementaire. Dès le surlendemain des élections le PSOE et Podemos ont signé un « préaccord » de gouvernement. Le texte est un catalogue de « bonnes intentions » de type économique et social qui prend bien soin de ne s’engager sur aucune mesure concrète. Sur la Catalogne, il s’agit plutôt de vœux pieux sur la restauration de la « convivialité », et la nécessité du « dialogue » mais bien sûr dans le strict cadre de la constitution de 1978. Le seul point précis et concret de ce « préaccord » est que Pablo Iglesias serait désigné « vice-président du conseil » !

En signant cet accord Pablo Iglesias et la direction de Podemos parachèvent l’évolution qu’ils ont imposée à leur parti depuis des années. Du parti antisystème, partisan de la rupture et se voulant la traduction politique des luttes qui avaient ébranlé l’État Espagnol depuis 2011, Podemos, sa direction en tout cas, devient l’otage minoritaire d’un parti social-libéral, farouche défenseur de la constitution postfranquiste. Pour Podemos, pour son projet, cela prend toutes les allures d’un suicide politique.

Pedro Sanchez devra encore trouver d’autres soutiens pour être investi. Il les aura peut-être du côté des forces « souverainistes » et défenseurs de la « multinationalité » de l’Espagne, en Catalogne, au Pays Basque et en Galice. En obtenant au moins leur abstention, voire leur vote positif. Ce qui, logiquement, rendra encore plus instable et dépendant son gouvernement.

Rien n’est résolu

Dans un contexte de situation économique qui se dégrade, de crise Catalane où rien n’est résolu, bien au contraire, le gouvernement Sanchez se heurtera à de multiples contradictions et contestations. Enchaîné au gouvernement, Podemos et d’autres forces à la gauche du PSOE ne pourront offrir d’autres perspectives ce qui ne peut manquer de profiter à la droite et surtout à l’extrême droite.

Ces perspectives ne peuvent venir que « d’en bas », de la population et des travailleurs, par une nouvelle phase de luttes pour les droits politiques et sociaux dans tout l’Etat Espagnol.

Fabrice Thomas