Les derniers mois ont été calamiteux pour le gouvernement de Cristina Kirchner. Après son revers électoral de novembre, il a subi d’autres secousses, dont les effets se feront sentir tout au long de 2014.D’abord, la grève de la police qui a plongé le pays dans le chaos et débouché sur des pillages, comme en 1989 et en 2001. Ensuite, une vague de chaleur qui a fait sauter les systèmes électriques, laissant des millions de personnes sans lumière ni climatisation. Alors que le gouvernement et les prestataires privés se rejetaient la faute, la population désespérée occupait les rues et y brûlait des pneus.Pour apporter un démenti à tous ceux qui évoquaient sa « fin de règne », Cristina avait remplacé en novembre ses ministres les moins présentables… avant de poursuivre la même politique. Elle a ainsi versé 11 milliards de dollars aux entreprises privées responsables de la panne électrique, 5 milliards au pétrolier espagnol Repsol en compensation de la nationalisation des ses actifs en 2012, et s’est déclarée fière de la baisse des réserves de change à 30 milliards de dollars, comme conséquence du paiement des intérêts de la dette extérieure. Pendant ce temps, pour éviter que ces réserves ne continuent à diminuer, la vente de dollars au taux officiel (6,67 pesos) reste interdite, alors que le dollar parallèle s’échange à 10,83 pesos.Que se passera-t-il en mars, au retour de ceux qui peuvent (encore) partir en vacances ?
Vers la mobilisationSelon des calculs non officiels, l’inflation a été en 2013 de 25 % tandis que les aliments ont augmenté de 43 %. Le plan du gouvernement était de négocier avec les supermarchés les prix de 200 articles de première nécessité, puis d’appeler à des négociations collectives des salaires. Mais les négociations avec les distributeurs n’avancent pas et celles sur les salaires s’annoncent problématiques. Le gouvernement veut limiter les augmentations à 18 ou 20 %, alors que les gouvernements provinciaux ont relevé les salaires de leurs policiers de 40 à 60 %, et qu’aucun syndicat n’accepte de discuter en dessous de 25 %. Les enseignants ont déjà menacé de ne pas reprendre les classes à la rentrée de mars.Si tous les salariés du public obtenaient, comme ils l’exigent, des augmentations égales à celles de la police, de nombreuses provinces ne pourraient plus payer les salaires. On voit ainsi réapparaître le spectre des monnaies provinciales, mises en place durant la grande crise de 2000-2001.Même si beaucoup commencent à faire le parallèle avec 2001, la situation reste différente. À l’époque, le poids des défaites des années 1990 et la crainte du chômage avaient empêché que le mouvement ouvrier intervienne en tant que tel dans la semi-insurrection. Aujourd’hui, avec un taux de chômage à 7,2 % et des négociations collectives en vue, seule une trahison des bureaucraties syndicales pourrait empêcher que les travailleurs se mobilisent. D’autant que le développement d’une nouvelle couche de syndicalistes d’avant-garde, ainsi que le poids croissant de l’extrême gauche, peuvent avoir des effets dynamisants. Voilà en tout cas qui renforce les responsabilités du FIT (Front de la gauche et des travailleurs) et des partis qui le composent. Virginia de la Siega