Chaque jour qui passe, un nouveau plan d’austérité est annoncé dans un des pays de l’Union européenne (UE). À cette attaque coordonnée contre nos principaux acquis sociaux, il faut riposter à l’échelle européenne. Sous la menace d’une baisse de la note des agences de notation concernant la capacité des États à rembourser leurs dettes, les gouvernements annoncent des coupes claires sans précédent dans les dépenses publiques. La chancelière allemande a présenté un plan d’économies de 80 milliards d’euros en quatre ans qui sert aussi à faire pression sur les autres États pour qu’ils suivent la même voie. L’Espagne a adopté un plan d’économies budgétaires de 50 milliards d’euros d’ici fin 2013. Le gouvernement Berlusconi a annoncé 24 milliards sur la période 2011-2012. François Fillon suit le mouvement ce week-end en prônant 100 milliards de réduction du déficit public (50 milliards de réduction de dépenses et 50 milliards de nouvelles recettes) d’ici 2013.
De l’Espagne à l’Irlande, de la Roumanie au Royaume-Uni, tous les pays entrent dans la même danse macabre. Il n’y a donc pas qu’une crise grecque comme annoncée par certains commentateurs, ni même un problème qui ne toucherait que les fameux PIGS – selon l’acronyme infamant utilisé par les marchés financiers pour cibler le Portugal, l’Irlande, la Grèce et l’Espagne – mais bien une crise financière et politique qui touche l’ensemble de l’Union Européenne (UE) et l’euro. S’ils sont appliqués, ces plans d’austérité auront des effets sociaux et politiques dévastateurs : diminution ou blocage des salaires des fonctionnaires, baisses massives dans les dépenses publiques comme par exemple l’Éducation. Elles se traduiront par une baisse du pouvoir d’achat, une augmentation du chômage, une réduction accentuée du périmètre d’intervention des services publics ou de nouveaux reculs dans le remboursement des soins. D’ores et déjà les plans grecs et roumains sont sans précédent dans leur coût social depuis la dépression économique des années 1930. Ces nouvelles purges démultiplient le mouvement de démantèlement de l’ « État social » entamé depuis près de 30 ans. Désormais, c’est le cœur des acquis sociaux du xxe siècle, comme le système de retraites, qui est dans le collimateur du capitalisme. Parce que la population ne doit pas payer une crise et une dette qui ne sont pas les siennes, l’urgence est à la mobilisation générale pour bloquer ces plans, en convergence dans l’UE et dans chaque pays. Fin 2008, les bonimenteurs qui nous gouvernent avaient annoncé la fin du capitalisme sauvage, des marchés tout-puissants, des déréglementations qui avaient permis l’éclatement de la crise bancaire et financière. Dans un discours à Toulon, Sarkozy s‘était particulièrement illustré dans cet exercice visant à annoncer « que tout change pour que rien ne change ».
Un an et demi après, les marchés sauvés par l’intervention massive des États font de nouveau la loi et dictent à leurs « sauveurs » leur politique économique. Ayant accentué leurs dettes pour sauver les banques, les États sont désormais contraints de se désendetter. Les structures libérales qui permettent, par la libre circulation des capitaux dans l’UE et dans le marché mondial, la mise en concurrence des systèmes sociaux et fiscaux sont toujours en place. Le modèle basé sur une généralisation de la concurrence est en crise. La monnaie, construite sur seize États aux politiques et aux réalités économiques divergentes également. Face au déplacement du centre de gravité du capitalisme vers l’Asie, la montée des pays émergents, l’UE apparaît comme le maillon faible des centres du monde capitaliste. Le rôle dévolu aujourd’hui au FMI en Europe, alors qu’il sévissait auparavant essentiellement dans le tiers monde, est révélateur de la crise.
Le choix est assumé de résoudre cette crise par un nivellement brutal des populations européennes aux niveaux sociaux du marché mondial. Dit autrement, il s’agit de démanteler les acquis des travailleurs accumulés depuis des décennies de luttes du mouvement ouvrier, pour pouvoir les aligner sur ceux des autres pôles du monde capitaliste. On le voit, il s’agit d’un choix lourd de conséquences qui implique de comprendre les enjeux de la crise afin d’organiser à l’échelle européenne la résistance et la construction d’une alternative anticapitaliste et antiproductiviste socialiste. Pierre-François Grond