Publié le Mercredi 11 novembre 2020 à 09h57.

Biden l’emporte mais les divisions demeurent et le trumpisme reste fort

Lorsque CNN a annoncé que Joseph Biden était élu un beau samedi 7 novembre à Brooklyn à New York, où je vis, les gens ont inondé les rues, sautant de joie, criant, applaudissant, frappant des casseroles et des poêles. En quelques heures, il y avait des milliers de personnes exprimant leur joie dans Prospect Park.

Ils et elles ne fêtaient pas tant la victoire de Biden que la défaite de Trump. Le monstre allait quitter la Maison Blanche.  Dans mon quartier en grande partie habité par des NoirEs, certains célébraient aussi l’élection de Kamala Harris, une femme d’origine noire et indienne, et une fille d’immigrantEs, la première femme à être élue vice-présidente. Dans d’autres régions du pays, cependant, il y a eu des manifestations de partisans du président Donald Trump qui avait plus tôt déclaré sa victoire. Trump et ses partisans ont affirmé que l’élection avait été volée, bien qu’ils n’en aient offert aucune preuve. Si Trump est vaincu, le trumpisme survit. Les célébrations et les manifestations expriment les profondes divisions du pays.

Démocrates en demi-teinte

Alors que Biden a gagné, il n’y a pas eu de « vague bleue », c’est-à-dire pas de victoire démocrate écrasante. Le vote populaire a donné 75 millions de voix à Biden et 71 millions à Trump. Pour ce qui est du collège électoral, Biden est vainqueur avec actuellement 279 grands électeurs contre 214 (avec quelques États dont les résultats sont à venir). Le succès de Biden a été permis par la victoire dans plusieurs États disputés avec seulement dix, vingt ou trente mille voix d’avance. Dans cinq d’entre eux, Biden a remporté moins d’un pour cent des voix de plus que son adversaire.

D’autres Démocrates n’ont pas si bien fait. À la Chambre des représentants, les démocrates ont perdu sept sièges et pourraient en perdre jusqu’à une douzaine, leur laissant seulement une toute petite majorité. Cependant, l’« équipe » (« The Squad »), les quatre nouvelles représentantes de la gauche – Alexandria Ocasio-Cortez de New York, Ilhan Omar du Minnesota, Ayanna Pressley du Massachusetts et Rashida Tlaib du Michigan – ont toutes été réélues.

Le décompte actuel du Sénat donne 48 républicains et 48 démocrates, avec quatre sièges encore à décider, et, bien qu’il y ait encore des votes à compter ou des élections au second tour à tenir, les républicains peuvent être en mesure de garder le contrôle du Sénat, un développement qui pourrait frustrer Biden et les démocrates, les empêchant de faire adopter une législation de leur propre conception. Si 50 sénateurs devaient être élus par chaque parti, les démocrates auraient la majorité grace au vote de la vice-présidente qui le présidera (conformément à la Constitution).

Trump a conservé sa base et l’a mobilisée

Dans 44 des 50 États américains, il y a également eu des élections générales pour les gouverneurs, les Sénats d’État et les Chambres des représentants d’État. Les démocrates n’ont pas réussi à obtenir des gains significatifs lors de ces élections, et dans deux États – le Montana et le New Hampshire – les républicains ont remporté le poste de gouverneur, et la majorité du Sénat et de la Chambre. L’élection a été une défaite pour Trump, mais pas pour le Parti républicain.

L’élection a montré que le pays était divisé géographiquement selon des lignes traditionnelles, les côtes allant à Biden et le Midwest et le sud à Trump. Biden a remporté deux États cruciaux de la région des Grands Lacs, le Wisconsin et le Michigan, et a gagné en Pennsylvanie. Dans l’ouest, il semble qu’il gagnera l’Arizona et le Nevada. De façon plus surprenante, dans le sud, il s’apprête à remporter la Géorgie. Presque partout, les démocrates ont gagné dans les villes et les républicains dans les zones rurales.

Trump a conservé sa base et l’a mobilisée ; il a également obtenu une faible augmentation du soutien des électeurs et électrices noirs et des Latinos, et une augmentation du soutien des électeurEs LGBT. Environ 90 % des Noirs et 65 % des Latinos ont voté pour Biden. Ce n’est qu’en Floride, où il y a une forte proportion de citoyenEs originaires de Cuba, du Nicaragua et du Venezuela, souvent anticommunistes, que Biden a mal réussi parmi les Latinos. Biden a réussi à reconquérir certainEs électeurEs blancs de la classe ouvrière, de nombreuses femmes de banlieue et des jeunes électeurEs.

La classe ouvrière est totalement divisée, Trump a remporté 55 % des voix des hommes sans diplôme universitaire tandis que Biden en gagnait 43 %. La majorité des travailleurEs blancs soutiennent Trump, l’écrasante majorité des travailleurEs noirs et latinos soutiennent Biden. La question pour l’avenir est de savoir comment les travailleurEs et la gauche peuvent réussir à surmonter les divisions profondes de la classe ouvrière.