Publié le Mardi 26 janvier 2021 à 12h18.

Biden : une lune de miel fragile aux États-Unis

Le lendemain de l’investiture du président Joseph Biden, je suis allé chercher ma petite-fille de six ans à son école publique de Brooklyn, comme je le fais régulièrement. L'école se trouve dans un quartier d'électeurEs progressistes et de nombreux enseignantEs et élèves sont noirs et latinos. Lorsque les élèves se sont rassemblés dans la cour d'école, étonnamment chacun portait et brandissait un drapeau américain. Apparemment, l’école avait décidé de célébrer l’inauguration de Biden de cette manière. Alors que nous rentrions chez nous, une femme noire avec un accent caribéen s’est arrêtée, nous a regardés, a montré le drapeau, a souri et a dit : « C’est agréable à voir. Nous avons quelque chose à célébrer. Nous revenons à la normale. »

Avec Donald Trump chassé de la Maison Blanche et sa tentative de coup derrière nous, des millions d'AméricainEs partagent un sentiment de soulagement. Nous savons cependant qu'il y a beaucoup de souffrances et de grands besoins alors que nous sommes au cœur de la pandémie de coronavirus et d'une grave dépression économique.

Biden a commencé sa présidence en signant des dizaines de décrets pour renverser certaines politiques de l'ancien président Donald Trump et définir une nouvelle direction pour le pays. Il a stoppé la construction du mur à la frontière mexicaine, a mis fin à l'interdiction des voyageurEs en provenance de pays musulmans. Il a mis fin aux vastes politiques d'expulsion de Trump et a appelé son cabinet à préserver l'Action différée pour les arrivées d'enfants (DACA), un programme qui accorde des permis de séjour et de travail aux enfants amenés aux États-Unis par leurs parents. Il a également prolongé les moratoires liés aux coronavirus sur les paiements de prêts étudiants fédéraux et les saisies de logements et a révoqué le permis de son prédécesseur pour la construction du pipeline de pétrole et de gaz Keystone XL. Les États-Unis rejoindront également l'Accord de Paris sur le climat.

Plan national de lutte contre le virus

Le problème le plus urgent, cependant, est le Covid. L’absence de plan national de Trump est en grande partie responsable de l’incapacité à contrôler le virus qui a coûté la vie à 400 000 personnes ; alors peut-être que l'acte le plus important que Biden a pris a-t-il été d'appeler à une mobilisation de temps de guerre pour faire face à la pandémie. Il a présenté le premier plan national de lutte contre le virus, a déclaré que le gouvernement vaccinerait au moins 100 millions de personnes en 100 jours et il a ordonné que les masques soient portés dans tous les espaces sur lesquels il exerce son pouvoir, comme les propriétés fédérales et dans les transports entre les États. Les États-Unis rejoindront également l'Organisation mondiale de la santé.

Biden a également annoncé qu'il proposerait au Congrès son plan de soutien de 1900 milliards de dollars qui comprend 1400 dollars supplémentaires en paiements directs pour les ménages au-dessous d’un certain revenu et un supplément aux allocations chômage de 400 dollars par semaine, ainsi qu'une prolongation du moratoire sur les expulsions et les saisies. Le plan comprend également 350 milliards de dollars pour les gouvernements des États et locaux et 400 milliards de dollars de financement supplémentaire pour lutter contre la pandémie. Le nouveau président aura du mal à faire passer sa proposition au Congrès où les Républicains résisteront, alors que les Démocrates n'ont qu'une majorité de 10 voix à la Chambre des représentants (qui comprend 435 membres) et une majorité d'une voix au Sénat. Du côté de la gauche démocrate, Alexandria Ocasio-Cortez (élue à la Chambre des représentants) a critiqué l’insuffisance de l’aide de 1400 dollars.

Les fleurs de mai...

L'ambiance festive actuelle parmi les Démocrates et la lune de miel avec le président ne dureront probablement pas longtemps, étant donné à la fois qui est Biden et les défis sanitaires et économiques auxquels il est confronté.

Bien que les premières actions de l'exécutif et les propositions législatives de Biden soient les bienvenues, il s'oppose au programme progressiste qui comprend des éléments tels que les soins de santé à payeur unique (une forme de sécurité sociale), l'annulation de la dette étudiante, le « Green New Deal » pour lutter contre le changement climatique, une réduction du budget militaire, un refus d'une politique étrangère impérialiste, et la fin des armes nucléaires. La question est de savoir si les mouvements de ces dernières années — Black Lives Matter, les grèves des enseignantEs, la lutte pour un salaire minimal de 15 dollars de l'heure et les droits des immigrés et la mobilisation des électeurs noirs et latinos — peuvent être transformés en une force qui combine action dans les rues et action politique.

Les Socialistes démocrates d'Amérique (DSA), avec leurs 85 000 membres, ont lancé une campagne pour « taxer les riches » et continuent de revendiquer à la fois sur le système de santé et sur le « Green New Deal ». La situation est complexe : d’un côté, de nombreux AméricainEs voudront donner une chance à Biden ; de l’autre, il y aura sûrement plus de pression pour que le gouvernement aille plus loin sur le plan social. Le printemps apportera non seulement des averses d'avril et des fleurs de mai pour ravir ma petite-fille lorsque nous rentrons de l'école à pied, mais très probablement un nouveau mouvement de résistance à la politique de Biden et des Démocrates.

Traduction Henri Wilno