Une filiale chinoise d’Alcatel-Lucent aide la junte militaire birmane à constituer un réseau pour contrôler les communications et Internet.Pour asseoir son pouvoir et perpétuer son enrichissement, la junte birmane n’a jamais lésiné à contrôler la population et réprimer, comme l’a révélé le documentaire de Paul Moreira (diffusé le 26 mars sur Canal +). Lors de la « révolution de safran », en septembre 2007, des blogueurs ou de simples citoyens ont utilisé Internet pour poster photos et vidéos attestant de la brutalité de la répression. Cela a permis d’amplifier la réprobation et les pressions contre la junte. Depuis, elle a tout mis en œuvre pour contrôler Internet. Les cybercafés doivent maintenant comptabiliser l’ensemble de leurs usagers et la junte prévoit de délivrer des certificats numériques à tous les internautes. Les autorités veulent pouvoir contrôler les communications, en particulier les sites Internet, et pouvoir les bloquer. Dans ce but, le gouvernement a entrepris de fonder Yadanabon, une cyberville de 50 hectares, qui lui permettra de centraliser et contrôler l’ensemble des moyens de communication du pays. Le journal officiel, The New Light of Myanmar, relate que trois compagnies étrangères, Alcatel-Lucent Shanghai Bell, ZTE (Chine) et Cboss (Russie), contribuent à ce projet qui devrait coûter 22 millions de dollars. Alcatel, par le biais de sa filiale chinoise Alcatel-Lucent Shanghai Bell, a participé à la construction d’une autoroute de l’information. Or, Alcatel a fourni aux autorités chinoises un système d’interception intégré qui permet l’écoute et la surveillance de toutes les communications électroniques. Malgré les dénégations des représentants d’Alcatel, il est très probable que Shanghai Bell ait fait profiter le régime birman de ce précieux système de répression et de surveillance. Une situation dramatique lorsque l’on sait qu’en Birmanie le régime est le seul fournisseur d’accès et que les internautes qui partagent des informations jugées « sensibles ou subversives » encourent sept à quinze ans de prison. L’argument d’Alcatel selon lequel, pour la Birmanie, « l’amélioration des infrastructures de communication est à même […] de contribuer à son évolution vers la démocratie » est un mensonge qui sert à masquer des investissements juteux moralement condamnables. Aucun progrès politique n’a jamais accompagné les investissements des multinationales en Birmanie. Ils ont par contre favorisé l’enrichissement phénoménal des généraux et leur maintien au pouvoir. Le seul langage que comprenne le régime birman est celui des sanctions, en particulier l’interdiction d’investir dans les secteurs les plus lucratifs pour la junte (bois rares, pierres précieuses, minerais, pétrole et gaz). Depuis 1962, la Birmanie est asservie par l’une des dictatures les plus répressives du monde. La junte militaire au pouvoir doit essentiellement sa survie aux investissements mirobolants faits dans le pays par des États peu regardants comme l’Inde, la Chine et la Thaïlande et par des multinationales comme Total et Chevron. Danielle Sabai