Les Rohingyas constituent l’une des nombreuses ethnies minoritaires en Birmanie. Ils vivent dans l’État d’Arakan (Rakhine) situé au centre-ouest du pays, en bordure du golfe du Bengale, et partage une courte frontière avec le Bangladesh...
Ils étaient Birmans, mais ne le sont plus depuis 1982 : ils sont devenus l’un des rares groupes apatrides au monde, particulièrement démunis de droits. Le gouvernement birman ne reconnaît que les « races nationales », celles présentes dans le pays avant l’arrivée des colons britanniques en 1823, ce qui ne serait pas le cas des Rohingyas selon une histoire officielle fortement contestée. Autre pomme de discorde, cette ethnie a été mobilisée par la puissance coloniale pour lutter contre le mouvement de libération nationale.
L’histoire est donc mobilisée pour justifier une persécution récurrente et très violente qui affirme, aujourd’hui, des traits génocidaires. Les Rohingyas sont peu nombreux – environ un million – et constituent la moitié de la population de l’Arakan. Ils sont musulmans dans un pays à plus de 90 % bouddhiste : le conflit prend ainsi un tour religieux, mais il concerne avant tout le contrôle des terres et des richesses minières dans cette région. En 2012, des violences intercommunautaires avaient fait plus de 200 morts, pour la plupart des musulmans. 140 000 Rohingyas ont été parqués dans des camps où ils vivent toujours.
La situation ne fait qu’empirer. L’université Yale a publié en octobre un rapport concluant qu’il existait de « solides preuves » qu’un génocide est en cours. Parmi les violences subies par la minorité ethnique : viols, meurtres, restrictions imposées sur les naissances ou les mariages et instauration de conditions ayant pour conséquence de détruire le groupe (vie dans des camps, privation de nourriture, de soins…).
Le plus grand exode dans la région
Depuis l’attaque par un groupe non identifié d’un poste frontalier qui a fait neufs morts, l’armée birmane mène une répression en règle contre les Rohingyas. Face à cette situation, Aung San Suu Kyi se tait honteusement. Longtemps emprisonnée, prix Nobel de la paix, elle est maintenant à la tête du régime civil. Elle ne veut pas critiquer l’ordre militaire, toujours très puissant, ou s’aliéner l’opinion majoritaire. En effet, une extrême droite nationaliste et bouddhiste s’affirme en Birmanie, représentée par le moine extrémiste U Wirathu et son mouvement radical Ma Ba Tha (Association pour la défense de la race et de la religion).
Par vagues successives, notamment depuis 1978, les Rohingyas se sont enfuis au Bangladesh où ils sont plusieurs centaines de milliers dans des camps de réfugiés, en situation de misère absolue. D’autres ont pris la mer pour rejoindre la Malaisie. C’est le plus grand exode dans cette région depuis la fin de la guerre du Vietnam. Certains ont atteint l’Australie, au péril de leurs vies. Ils sont fort mal reçus partout, y compris en pays musulman.
Les Rohingyas constituent bien, comme le dit l’ONU, « l’une des ethnies les plus persécutées du monde ». Ils pâtissent de clichés qui en arrivent à entraver l’empathie envers les victimes et la solidarité internationale. L’islam n’est-elle pas une religion de violence ? Et le bouddhisme non-violence et respect scrupuleux de la vie ? Et pourtant…
Pierre Rousset