Le boycott du festival Viña Rock, provoqué par son rachat indirect par un fonds d’investissement impliqué en Israël, illustre la force et la cohérence d’une scène culturelle, dans l’État espagnol, engagée et profondément solidaire de la lutte du peuple palestinien.
Chaque année, fin avril–début mai à Villarrobledo, le cycle des festivals musicaux s’ouvre avec le Viña Rock, l’un des cinq festivals les plus fréquentés d’Espagne, rassemblant plus de 200 000 personnes.
Un festival ancré à gauche racheté par KKR
L’ancrage à gauche, voire à l’extrême gauche, de ce festival est surtout affirmé par sa programmation, composée majoritairement d’artistes engagéEs issus des scènes rock, metal ou rap. Il revendique lui-même une conception de la musique comme « moteur de l’engagement, de la conscience et de la transformation » et a condamné le génocide du peuple palestinien.
Cependant, en 2024, Superstruct Entertainment, société organisatrice et propriétaire du festival, est rachetée par Kohlberg Kravis Roberts (KKR), un fonds d’investissement états-unien. Celui-ci possède des filiales en Israël, dont Aviv Group GmbH, qui détient Yad2 Internet Ads, proposant notamment des ventes et locations immobilières en Cisjordanie occupée, via des publicités cyniquement intitulées « du Jourdain jusqu’à la mer ».
Un boycott massif porté par les artistes
Dans un État espagnol où la solidarité avec la Palestine est une force motrice des luttes sociales, politiques, économiques et culturelles, les participantEs ont commencé à demander en masse le remboursement des entrées achetées. Beaucoup de groupes ont alors annoncé le boycott de l’événement. Le compte Instagram boicotkkr a répertorié plus de 300 groupes et artistes ayant affirmé publiquement leur décision de ne pas jouer dans des festivals où KKR avait un rôle.
Pour la prochaine édition, le festival avait déjà retardé de deux mois l’annonce des programmations. Celle-ci a été lancée ce 9 décembre et le constat est sans appel : la quasi-intégralité des groupes qui faisaient l’identité contestataire de ce festival a disparu. Aujourd’hui, la plupart des signaux indiquent que le festival risque sa pire édition. Mais le succès de l’action initiée par le soutien à la Palestine et reprise par les artistes montre la vivacité du mouvement culturel espagnol, ayant déjà obligé le festival à se positionner contre le génocide dans le communiqué cité précédemment.
Le festival doit alors prendre une décision : rompre avec KKR ou définitivement perdre son identité de festival de gauche inclusif, qu’il tenait de ses spectateurEs et artistes programméEs.
Félix Blanquet Le Marchand