Publié le Lundi 19 juillet 2010 à 14h07.

Boycott, Désinvestissement, Sanctions !

La Campagne BDS a été initiée en juillet 2005 par une coalition regroupant l’ensemble des forces politiques, sociales et associatives palestiniennes représentatives (172 organisations signataires). Cette coalition inclut les trois composantes du peuple palestinien : Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, Palestiniens d’Israël, réfugiés des camps de l’extérieur. La finalité de la campagne est simple : développer une campagne internationale, populaire, de solidarité avec le peuple palestinien, autour d’axes, de mots d’ordre et de modes d’action très concrets. Il s’agit, à l’instar de ce qui s’était passé avec l’Afrique du Sud, de multiplier les pressions politiques, sanctions économiques et diplomatiques contre Israël tant que les droits des Palestiniens ne seront pas respectés. Un extrait de l’appel : « Nous, représentants de la société civile palestinienne, invitons les organisations des sociétés civiles internationales et les gens de conscience du monde entier à imposer de larges boycotts et à mettre en application des initiatives de retrait d’investissement contre Israël tels que ceux appliqués à l’Afrique du Sud à l’époque de l’Apartheid. Nous faisons appel à vous pour faire pression sur vos États respectifs afin qu’ils appliquent des embargos et des sanctions contre Israël. Nous invitons également les Israéliens honnêtes à soutenir cet appel, dans l’intérêt de la justice et d’une véritable paix. Ces mesures de sanction non violentes devraient être maintenues jusqu’à ce qu’Israël honore son obligation de reconnaître le droit inaliénable des Palestiniens à l’autodétermination et respecte entièrement les préceptes du droit international. » La campagne BDS se décline principalement sous trois aspects.Boycott  : à un niveau populaire et institutionnel (municipalités, universités...), encourager le boycott des marchandises et produits fabriqués en Israël, mais aussi un boycott culturel, académique, sportif... Dans le cas des boycotts académique et culturel, il ne s’agit évidemment pas de boycotter les individus, les travaux ou les œuvres, mais bel et bien de refuser tout partenariat ou échange institutionnel. Désinvestissement : exiger des entreprises,  des collectivités locales et des États qu’ils cessent leurs investissements en Israël et/ou leurs partenariats économiques avec des entreprises israéliennes. Cela concerne également les banques, sociétés d’investissement, groupes financiers et autres fonds de pension.  Sanctions : exiger des gouvernements qu’ils prennent des sanctions (diplomatiques, économiques...) contre Israël, mais aussi que tous les membres de l’establishment politico-militaire israélien coupables ou complices de crimes contre le peuple palestinien soient traduits devant des cours de justice et punis pour leurs actes criminels. De nombreuses plaintes ont ainsi déjà été déposées.

Le boycott  ? Une action fondée sur le respect du droit

Du point de vue juridique, la question est assez simple : des produits qui sont le fruit d’un crime peuvent-ils être distribués en Europe ? Ce que dit le droit… Tout part de cette donnée juridique : l’ensemble des territoires de Palestine sont occupés par Israël, (Cour internationale de Justice, 9 juillet 2004). Le règlement de La Haye de 1907 dit à propos de l’occupation que « la propriété privée ne peut pas être confisquée » (Art. 46) et que « L’État occupant ne se considérera que comme administrateur et usufruitier » (Art 55). L’article 49 de la IVe convention de Genève précise que « la puissance occupante ne pourra procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle ». Ces dispositions sont reprises par le statut de la Cour pénale internationale (1998), qui qualifie de crimes de guerre « l’appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire » (Art. 8, 2, a, iv) et « le transfert par la puissance occupante d’une partie de sa population civile dans le territoire qu’elle occupe » (Art. 8, 2, a, viii). Le droit européen confirme cette analyse. Selon un arrêt Brita (25 février 2010) de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), les produits issus des territoires occupés ne peuvent pas être exportés sous certificat d’origine israélien. Il reste à appliquer le droit !La loi ne peut accorder sa protection à des produits illicites. Deux points imposent le boycott global :•  Israël délivre de manière indifférenciée des certificats d’origine pour l’ensemble des exportations, qu’elles soient issues des territoires de 1948 ou des territoires occupés depuis 1967, et il n’est pas possible depuis l’Europe de faire la distinction. • Tous les mécanismes politiques et économiques israéliens sont asservis au but de l’appropriation des richesses palestiniennes, cette politique étant indivisible. Il en est ainsi du pillage de l’eau ou la mainmise sur les moyens d’échange internationaux. Il est du devoir des Européens d’imposer cette lecture du droit, la seule réaliste, car il s’agit de combattre le crime dès sa conception, l’occupation et la colonisation, et pas seulement dans ses effets, la fraude sur les certificats douaniers « made in Israel » pour des produits issus des colonies. C’est dire aussi que la question de la culpabilité pénale des dirigeants israéliens pour le processus de colonisation ainsi analysé est posée et devra être portée devant la Cour pénale internationale. Des militants de BDS sont poursuivis en justice : arrêt Willem (CEDH, 16 juillet 2009). Dans cette affaire, la question de la licéité1 des exportations boycottées n’avait pas été posée au tribunal, le maire s’étant cantonné au terrain de la liberté d’expression. Or, il n’a pas été condamné en tant que citoyen exerçant son droit à la liberté d’expression mais en tant que maire tenu à un devoir de réserve (et encore, la Cour donnait des éléments plus précis qui pourraient quand même ouvrir la voie à un boycott des collectivités). Tout reste donc à faire sur le terrain juridique, pour la défense des militants injustement poursuivis, mais aussi en attaque, puisque dans les mois qui viennent les acteurs de la campagne BDS vont passer à l’offensive pour demander la condamnation des crimes commis et de leurs auteurs, et pour faire respecter le droit international. 1. Conformité au droit

La campagne BDS France

La campagne BDS France a été lancée en juin 2009, afin de répondre à l’appel palestinien. Peuvent y adhérer toutes les associations et organisations s’engageant à respecter les principes contenus dans la charte et dans l’appel de la campagne BDS France. Au niveau français les principales organisations impliquées sont le NPA, Génération Palestine, les Missions civiles (CCIPPP), l’Union juive française pour la paix (UJFP), des organisations musulmanes, juives, CAPJPO-Europalestine, Solidaires et bien d’autres. La campagne française participe activement à la coalition contre Agrexco, qui est l’un des axes d’attaque principaux du BDS européen.Elle organise de nombreuses actions partout en France, notamment dans les supermarchés qui vendent des produits fabriqués en Israël. Des rendez-vous ont déjà eu lieu avec la direction de Carrefour à la suite d’actions. La campagne est présente dans les divers champs d’application du BDS, culturel, universitaire, gouvernance locale… Il s’agit maintenant de développer ce travail de manière coordonnée afin d’avoir le maximum d’impact et de visibilité. La campagne travaille aussi à fournir aux militants des outils et des argumentaires afin de les aider dans leurs démarches et actions. Enfin la campagne cherche à fédérer, de manière souple, le réseau des comités locaux unitaires BDS au niveau national et à le développer. La présence et l’implication de toutes et tous est primordiale afin d’assurer un développement de la campagne et un maillage national, permettant à tout le monde de s’impliquer dans le BDS. La campagne subit aujourd’hui de plein fouet la répression étatique, à la demande des organisations sionistes. En effet, plusieurs procès sont en cours ou vont avoir lieu, qui concernent, entre autres, des camarades du NPA, et il est nécessaire que la mobilisation contre la répression se développe elle aussi. Les militants du BDS sont déterminés à poursuivre leurs actions, dans toute leur diversité, car ils se battent tout simplement pour l’application du droit international.

Quelques victoires de la campagne BDS

Boycott De plus en plus de magasins et chaînes de magasins annoncent qu’ils renoncent à vendre des produits venant des colonies israéliennes, voire d’Israël. Les chaînes de supermarchés britanniques Mark and Spencers et Co-operative group ont annoncé qu’elles cesseraient de vendre des produits issus des colonies. Les chaînes italiennes Coop et Nordiconad ont fait de même. Des universités et laboratoires de recherche commencent à rompre leurs relations avec leurs homologues israéliens. En mai dernier, le syndicat universitaire britannique majoritaire, University and College Union, a voté lors de son congrès le boycott total de l’Université d’Ariel, implantée en territoire palestinien. Nombre d’artistes refusent désormais de se rendre en Israël. C’est ainsi qu’Elvis Costello, Carlos Santana, Gill Scott-Heron, les Pixies ou Gorillaz ont annulé des concerts. U2, Björk, Snoop Dog et bien d’autres évitent soigneusement Israël lors de leurs tournées. Récemment, Meg Ryan et Dustin Hoffman ont publiquement renoncé à participer au Festival du Film de Jérusalem. DésinvestissementEn mai, la Deustche Bank a décidé de se désinvestir de la Compagnie israélienne Elbit Systems, qui fournit des armes à l’armée israélienne et participe à la construction du mur. Le premier fonds de pension suédois avait fait de même, ainsi que le premier fonds de pension danois. La société d’investissement britannique Blackrock s’est désinvestie du groupe Leviev, qui finance la construction de colonies.Le groupe français Veolia, impliqué dans la construction du tramway colonial de Jérusalem, qui relie la ville aux colonies, s’interrogerait sur la pertinence de cet investissement tant il lui fait perdre de marchés : les villes de Dublin et Stockholm, entre autres, ont exclu Veolia de divers appels d’offre. SanctionsLe Venezuela et la Bolivie ont rompu, jusqu’à nouvel ordre, leurs relations diplomatiques avec Israël et expulsé les ambassadeurs israéliens. Le Nicaragua a suspendu ses relations avec Israël après l’attaque sanglante contre la Flottille de Gaza. De son côté, le ministre norvégien de l’Éducation a rappelé que son pays refusait tout commerce d’armes avec Israël et a appelé l’ensemble des pays de l’Union européenne à faire de même.Afin de sanctionner économiquement Israël, les dockers suédois ont refusé, durant toute la dernière semaine de juin, de débarquer des marchandises israéliennes dans les ports du pays. Les dockers d’Oakland, en Californie,  ont fait de même. En raison d’une plainte déposée à son encontre, le ministre israélien de la Défense, Ehud Barak, a annulé une visite en France, prévue en juin. Il y a quelques mois, l’ex-ministre des Affaires étrangère, Tzipi Livni, avait annulé une visite en Grande-Bretagne pour les mêmes raisons. Une liste des « pays à éviter » a été établie en Israël, à l’attention de l’establishment politique et militaire.

Agrexco : non au commerce colonial !

Agrexco, c’est cette entreprise israélienne d’export de fruits et légumes que Georges Frêche (exclu du PS), président de la région Languedoc-Roussillon, a choisi d’implanter dans le port de Sète. Importer depuis l’autre bout de la Méditerranée des fruits et légumes dans une région agricole plutôt que de développer l’agriculture locale, est déjà un choix assez contestable. Mais en plus, une partie des produits qui arriveront à Sète pour inonder les marchés français et européen provient des territoires occupés ! Agrexco profite de la spoliation des terres et de l’eau des Palestiniens, de l’occupation et de la colonisation de la Palestine. Agrexco, ce sont les marques Carmel, Ecofresh et Bio-top (produits bio) dans nos supermarchés. Localement, partis politiques, associations de solidarité avec la Palestine, syndicats, associations des droits de l’homme ont rapidement formé la Coalition contre Agrexco pour dénoncer ce projet. Plusieurs temps forts ont rythmé cette campagne depuis plus d’un an avec des manifestations (1 000 personnes un jeudi soir à Montpellier, une marche et une manif à dimension nationale de plus de 1 500 personnes dans la ville de Sète en pleine élections régionales), des ateliers débats, des interventions au conseil régional et une mission de quatre personnes qui s’est rendue en Palestine pour enquêter sur Agrexco et recueillir des témoignages sur ses pratiques. Agrexco, depuis 40 ans, débarquait ses produits dans le port de Marseille. La mobilisation sur le « quai Carmel » n’avait pas pris à l’époque l’ampleur de la Coalition. Quand nous avons rencontré les responsables d’Agrexco en Italie puis les dockers de Marseille et de Sète, nous avons compris la raison de ce déménagement : les Marseillais demandaient des salaires trop importants et se mobilisaient pour défendre leurs droits ! C’est uniquement pour faire baisser le coup du travail et récupérer les aides de la région Languedoc-Roussillon en lien avec l’aménagement du port de Sète qu’Agrexco vient s’y implanter. Pouvons-nous accepter de mettre ainsi les travailleurs en concurrence ? La mobilisation a pris de l’ampleur et aujourd’hui, une centaine d’organisations locales et nationales mènent la bataille. La Coalition a fait des émules dans les villes de la région qui agissent lors de manifestations et auprès de leurs élus. Et dans d’autres pays le combat se mène aussi ! En Suisse, en Belgique et en Italie des coalitions ont vu le jour. Le port de Valence, également concerné, est notre prochaine étape. Les premiers succès sont à mettre à l’actif de nos camarades italiens qui ont convaincu les responsables de deux chaines de supermarchés de retirer les produits d’Agrexco de leurs rayons. La campagne contre Agrexco, qui s’inscrit par son appel dans la campagne BDS, est le catalyseur local de la solidarité avec la Palestine, en parallèle avec le comité BDS. La Coalition a décidé dans ce sens de se mobiliser dans l’initiative de bateaux pour Gaza. Nous ne commercerons pas avec des criminels de guerre !Des sites internet : www.bdsfrance.org/  : site de la campagne française. Indispensable ! Informations, argumentaires, actions passées et à venir... www.bdsmovement.net/  : site de la campagne internationale. De nombreuses ressources et informations (en anglais).www.whoprofits.org/ : site qui recense les entreprises, aux quatre coins du monde, qui bénéficient directement ou indirectement de l’occupation israélienne (en anglais).