Courant avril, la crise qui secoue le pays a franchi de nouvelles étapes...
Le 11 avril, « l’Opération Lava Jato », qui enquête sur la corruption liée à Petrobras, a changé de niveau : les accusations contre les dirigeants de la plus grande entreprise de construction du Brésil, Odebrecht, ont été rendues publiques. Il a été officiellement ouvert une enquête pour corruption sur 8 ministres du gouvernement Temer (y compris les plus proches du président), 24 sénateurs et 42 députés. Temer lui-même est écarté de l’enquête uniquement parce que la Constitution brésilienne dit que le président ne peut pas être jugé au cours de son mandat pour des actes antérieurs... Des dirigeants des principaux partis brésiliens (PMDB, PSD, PT) sont parmi les dénoncés, ainsi que 9 gouverneurs d’État...
Le gouvernement et le Parlement sont démobilisés, mais la mise en œuvre de « réformes » néolibérales est toujours d’actualité (actuellement celles de la sécurité sociale et des lois régissant le travail).
Le vendredi 28 avril, il y a enfin eu une première réponse des travailleurs à la hauteur des attaques : un appel unitaire à la grève générale par toutes les centrales syndicales et soutenu par plusieurs organisations populaires et par les partis de gauche, qui concernait quelques 40 millions de salariéEs.
Totalement ou en partie, la grève a arrêté le transport, les établissements d’enseignement et l’activité économique dans de nombreuses capitales et villes. Il y a eu un nombre incalculable de manifestations et de blocages de rues et de routes tout au long de la journée, à commencer par des initiatives pour soutenir la grève des conducteurs de bus et de métro.
Le soutien à cette grève est allé au-delà de ce qu’on pouvait prévoir initialement, avec des déclarations venues de divers secteurs, en particulier des évêques et archevêques de l’Église catholique et des méthodistes. Bien que les médias, surtout la télévision, aient ignoré le mouvement jusqu’au 28, dans les jours qui précédaient, c’était le sujet de discussion le plus abordé dans les lieux publics, les bus, les métros et les trains, ainsi que les boulangeries, les kiosques...
Illégitime, impopulaire...
Deux aspects doivent être mis en évidence pour comprendre le succès de la grève. Le gouvernement illégitime a perdu la bataille de la communication sur sa proposition de « réforme » des retraites, cela malgré le soutien des médias. Des sondages indiquent que 71 % de la population s’y oppose. Il est très difficile de convaincre le peuple que « tout le monde doit faire plus de sacrifices »... quand le sommet du gouvernement et une grande partie des députés et sénateurs font l’objet d’enquêtes pour le vol de milliards de reais... Le deuxième aspect clé a été l’unité réalisée par le mouvement syndical et populaire. Même les centrales syndicales « pelegas » (jaunes), qui soutiennent généralement le gouvernement, ne pouvaient manquer de participer.
Le mois d’avril a pris fin avec la publication de sondages qui indiquent que seulement 4 % de la population soutient le gouvernement : depuis que ce genre de sondages existe, il n’y a jamais eu un gouvernement aussi impopulaire au Brésil. En fait, si Temer ne tombe pas, c’est à cause de la lenteur des enquêtes de corruption, et surtout parce que les classes dirigeantes le soutiennent encore, et lui garantissent aussi le soutien de la majorité du Parlement. Mais elles ne peuvent pas garantir que la plupart des parlementaires, préoccupés par les prochaines élections, votent en faveur des « réformes » en cours. Du coup, le gouvernement a déjà dû modifier, en partie, le contenu de celles-ci et se contente maintenant d’en approuver les axes généraux.
Ce mois de mai, les mobilisations des travailleurs et des secteurs populaires continuent. Il est en particulier prévu une « marche vers Brasilia » ce 24 mai. Avec peut-être une nouvelle grève générale en perspective.
De Sao Paulo, João Machado