Entretien. João Machado est dirigeant du PSOL (le parti du socialisme et de la liberté). Avec lui, nous prenons la mesure de là où en est la formidable mobilisation du peuple brésilien et discutons de ses conséquences politiques.Où en-est-on de la mobilisation ?Dans la semaine du 24 au 30 juin, les mobilisations ont continué de s’étendre dans tout le pays, avec des objectifs qui se sont élargis. Il y a eu probablement plus de manifestations que la semaine précédente. Mais en même temps, elles n’étaient pas aussi massives. Les plus grandes ont eu lieu dans les villes où se sont joués les matchs de la Coupe des Confédérations de football.Il y a des différences significatives dans leur composition : le nombre des jeunes des couches moyennes a diminué tandis que la participation de jeunes prolétaires, aux revenus les plus bas, s’est maintenue, voire a augmenté. Le thème du prix des transports publics a perdu de son importance (sur ce point il y a eu des victoires conséquentes), les manifestations contre la Coupe ont eu lieu au centre, les revendications sociales se sont imposées (revendications relatives à la santé, l’éducation, le logement). Les manifestations contre la répression policière ont continué et il y a aussi des expressions pures de révolte sociale. La présence de secteurs de la droite et de l’extrême droite s’est réduite.Il semblerait que la tendance soit pour les prochains jours à une diminution du nombre de manifestations et de manifestantEs.Quelles sont les réponses aux propositions de Dilma Roussef ?Dilma Rousseff a prononcé deux discours, un le 21 juin et l’autre le 24, avec des propositions un peu différentes, qui ont encore changé par la suite. Elle en est arrivée à parler d’une Assemblée constituante le 24, puis la proposition a été abandonnée, s’en tenant à la proposition d’un référendum sur des thèmes précis.Il est possible d’identifier deux tendances. Dans le « registre » social (éducation, santé, logement), les différents secteurs des mouvements sociaux présentent leurs revendications propres, sans tenir grand compte de ce que dit Dilma Rousseff.Pour ce qui est du registre de la « réforme politique », les secteurs les plus à droite (dont ceux qui sont au gouvernement) ont cherché à mettre en avant le référendum sur une réforme qui serait votée par le congrès lui-même. Plus à gauche, tant au sein du gouvernement qu’à sa gauche, la tendance est à amplifier la portée du référendum.Quelles réactions dans le PT au pouvoir, suite à ces manifestations et à la répression ?Au début, les différents secteurs du PT ont cherché à disqualifier les manifestations, et leurs membres au gouvernement ont défendu la répression. À partir du 13 juin, quand les manifestations se sont étendues, des secteurs du PT ont critiqué les « excès » de la répression, et ont tenté de participer aux manifestations. Mais ayant dû essuyer de l’hostilité, ils ont dénoncé le caractère prétendument droitier des manifestations, et ont même parlé d’une tentative de putsch contre Dilma Rousseff. D’autres secteurs se sont mieux positionnés : ils ont dit que les manifestations révélaient les problèmes et les limites des gouvernements.La semaine dernière, une position curieuse a gagné en force au sein des secteurs les plus à gauche du PT, ou liés à ces derniers, comme le MST : ils ont commencé à dire que pour défendre le gouvernement, il fallait le pousser sur la gauche. Il semblerait que refasse surface une position des premières années du gouvernement Lula, qui consiste à dire que le gouvernement est encore « en débat », que son orientation n'est pas tranchée...La CUT, ainsi que d’autres centrales syndicales et des mouvements sociaux (liés à l’instar du MST au PT dans leur majorité) ont appelé le 11 juillet à une « journée nationale de lutte et de blocage », avec un programme très en pointe, qui inclut la réduction de la semaine de travail à quarante heures, une réforme agraire (thème totalement absent au sein du gouvernement), la dénonciation du génocide de la jeunesse noire et des peuples indigènes. Il n’est pas dit que ces organisations et mouvements vont réellement s’emparer de cette mobilisation. Peut-être veulent-ils juste donner satisfaction à leur base sociale.Le comportement du PSOL dans ces mobilisations ?Le PSOL y a participé et les a impulsées depuis le début, de même qu’il a été allié, dans les années passées, à d’autres mouvements similaires. Il participe activement aux comités populaires de la Coupe.Certes, il a pâti du sentiment de rejet des partis très présent dans les manifestations mais, de façon générale, moins que d’autres partis. Il n’y a pas de doute qu’il sortira renforcé de ce processus.Peut-on évaluer l’impact politique des mobilisations ?A la fin de la semaine, des sondages sur le soutien au gouvernement et aux intentions de vote pour les candidats à la présidence pour les élections de 2014, effectués par Datafolha, un des principaux instituts de sondage d’opinion du pays, ont été rendus publics.Les résultats sont catastrophiques pour le gouvernement : les appréciations positives pour le gouvernement, qui tournaient toujours autour de 65% dans les premiers mois de l’année, et qui étaient tombées à 57 % début juin avant les mobilisations, ont dégringolé à 30%. Les intentions de vote pour Dilma Rousseff pour les élections présidentielles ont dégringolé de 51% début juin à 30%.Il n’y a pas eu de sondage sur le rôle des gouverneurs ou des préfets, mais on peut présumer que leur perte de popularité serait aussi substantielle.Propos recueillis par Alain Krivine (traduction du portugais par Luiza Toscane)
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